L’Allemagne rend hommage à l’un de ses héros du Moyen Âge. L’exposition qui ouvre ses portes à Brunswick le 6 août, date anniversaire de la mort du duc Henri le Lion, réunit environ cinq cents pièces provenant d’Europe et des États-Unis. Elle revient aussi sur la fascination du régime hitlérien à l’égard du duc de Saxe, adversaire de Frédéric 1er Barberousse et de Henri VI.
BRUNSWICK - L’exposition consacrée à Henri le Lion, duc de Saxe et de Bavière au XIIe siècle, présentera quelques objets rares, comme la carte d’Ebstorf, l’évangile d’Henri le Lion, acquis en 1983 par les bibliothèques de Munich et de Wolfenbüttel pour la somme exceptionnelle de 8,1 millions de livres, et le trésor familial des Guelfes, aujourd’hui réparti entre le musée de Cleveland et le Kunstgewerbemuseum de Berlin. Les organisateurs ont par ailleurs passé commande à de jeunes artistes d’œuvres évoquant la légende d’Henri le Lion.
La manifestation, placée sous la direction de Franz Niehof, comprend également une partie consacrée aux utilisations, bonnes ou mauvaises, qui ont été faites du personnage.
On se souvient en effet qu’au mois de novembre 1940, les responsables politiques locaux de toute l’Allemagne, réunis à Brunswick à l’occasion d’une conférence sur la politique culturelle, découvrirent la nef de la cathédrale romane de la ville pavoisée de bannières à croix gammée et l’autel surmonté d’un aigle gigantesque. Jusqu’à la fin de la guerre, l’église construite par Henri le Lion allait ressembler à un temple du nazisme. Cinq ans plus tôt, les services de propagande avaient enrôlé des universitaires tels que le directeur du Kaiser Wilhelm Institute de Berlin pour travailler à une tâche audacieuse : démontrer qu’Henri le Lion était un précurseur annonçant l’idéal national-socialiste.
Récupéré par le régime hitlérien
Pendant les quatre décennies qui ont précédé l’année 1180, Henri le Lion fut l’un des pivots de l’histoire européenne, sillonnant le continent de Rome à Constantinople et de Londres à Jérusalem. Depuis la Basse-Saxe, son influence s’étendait jusqu’en Italie, en Angleterre, au Danemark et en France. Il fonda les villes de Lübeck, Munich et Schwerin, avant que ses duchés ne lui soient confisqués par Frédéric 1er Barberousse, autre figure légendaire de la grandeur germanique.
Les nazis, qui voulaient voir en lui "un combattant de la première heure en faveur d’une politique allemande de la nation", n’ont pas hésité à appuyer leur expansionnisme vers l’Europe de l’Est sur le précédent de la christianisation musclée des Slaves à laquelle il avait procédé.
Le régime hitlérien, en quête de reliques, fit ouvrir une tombe de la cathédrale, considérée comme celle d’Henri le Lion – qui, déception, renfermait la dépouille d’un homme petit et brun. Le Führer en personne vint lui rendre hommage. On peut se féliciter que le huitième centenaire de la mort du duc arrive au moment où une sorte de consensus entoure, en Allemagne, la période nazie. Voici trente ans, le sujet, même abordé dans la perspective de l’histoire de l’art, aurait peut-être suscité trop de remous.
HENRI LE LION ET SON ÉPOQUE : les guelfes, leur pouvoir et leur image, 1125-1135" ("Heinrich der Löwe und seine Zeit ; Herrschaft und Repräsentation, 1125-1135"), Musée Herzog Anton Ulrich, Brunswick, du 6 août au 12 novembre. Catalogue en quatre volumes, éditions Hirmer Verlag.
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La réhabilitation d’Henri le Lion
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Abonnez-vous dès 1 €Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°16 du 1 juillet 1995, avec le titre suivant : La réhabilitation d’Henri le Lion