BERLIN (ALLEMAGNE) [25.02.15] - Les héritiers demandent la restitution du Trésor des Guelfes, et contestent la recommandation de la Commission Limbach de mars 2014. Celle-ci avait tranché en faveur de la Fondation du Patrimoine culturel de Prusse.
Un citoyen britannique, Alan Philipp, et Gerald Stiebel, citoyen américain, ont porté plainte le 23 février contre l’Etat fédéral d’Allemagne et la Fondation du Patrimoine culturel de Prusse. La plainte déposée dans un tribunal de Washington demande la restitution du Trésor des Guelfes, actuellement détenu par la fondation allemande qui gère les musées étatiques de Berlin.
Le Trésor des Guelfes, composé à l’origine de 82 pièces, est l’une des plus importantes collections d’art religieux médiéval détenue par un musée. 42 pièces avaient été acquises en 1935 par le Land de Prusse, dirigé à l’époque par Hermann Göring. Le trésor avait ensuite été offert à Hitler.
Les héritiers de deux marchands juifs, membres du consortium de marchands qui a vendu le trésor à la Prusse, en réclament la restitution depuis plusieurs années. Aucun accord n’ayant pu être trouvé avec la Fondation du Patrimoine culturel de Prusse, les deux partis avaient décidé de saisir la Commission Limbach. Cette dernière, créée en 2003 pour traiter des cas de restitution de biens spoliés par les nazis, avait tranché en mars 2014 en faveur de la fondation. La vente de 1935 était légitime, considérait la Commission Limbach. Tout d’abord, parce qu’au moment de la vente, le trésor se trouvait à l’étranger et ne pouvait de ce fait pas être saisi par les nazis. Ensuite, le montant payé était considéré comme équitable : les marchands avaient certes vendu à perte, mais le prix correspondait à la valeur du marché de l’époque, qui s’était effondré en raison de la grande dépression. Enfin, les marchands avaient pu jouir librement des gains de la vente.
L’avis de la Commission Limbach n’est qu’une simple recommandation et la Fondation du Patrimoine culturel de Prusse avait choisi de le suivre : le trésor resterait à Berlin. Les héritiers ont toutefois décidé de contester cette décision, et de le faire aux Etats-Unis.
La plainte de 143 pages demandant la restitution a été déposée aux Etats-Unis en vertu de dispositions précédemment utilisées dans un cas de restitution d’art avec l’Autriche : l’Allemagne et la fondation ont des activités commerciales aux Etats-Unis, telle que l’organisation d’exposition ou la vente de catalogues d’art, et doivent de ce fait répondre du droit américain. Reste toutefois à savoir si le tribunal de Washington se déclarera compétent en la matière. La plainte précise que toute vente par des propriétaires juifs dans l’Allemagne nazie en 1935 est considérée avoir été effectuée sous la contrainte, et de ce fait est illégitime et nulle et non avenue. « Si l’Allemagne prétendait le contraire, cela reviendrait à approuver explicitement – en 2015 – les pillages de Göring », précise la plainte.
La Ministre de la Culture allemande, qui n’avait pas encore eu accès à la plainte, a réagi à chaud : « Nous n’avons pas connaissance de nouveaux éléments au dossier », a-t-elle déclaré. En conséquence, elle a réaffirmé que l’Allemagne se rangeait derrière la recommandation de la Commission Limbach. Le Président de la Fondation du Patrimoine culturel de Prusse, Hermann Parzinger, a quant à lui exprimé sa « surprise » de voir la décision de la Commission contestée. N’ayant pas eu de contact récent avec les héritiers, il n’avait pas été informé du dépôt de la plainte. « C’était le souhait exprès des requérants de soumettre le cas à la Commission », a-t-il déclaré. La fondation s’était engagée à suivre ses recommandations quelles qu’elles fussent, et aurait restitué le Trésor des Guelfes si la Commission en avait ainsi décidé.
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Trésor des Guelfes : deux héritiers de marchands d’art juifs portent plainte contre l’Allemagne aux Etats-Unis
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