PERPIGNAN
Dans des espaces agrandis et restructurés, le Musée Hyacinte-Rigaud consacre ses cimaises à Maillol, Dufy, Picasso, des artistes ayant un rapport avec la région.
Perpignan. La Ville de Perpignan (Pyrénées-Orientales) fête l’été avec un tout nouveau musée d’art. Les habitués de l’ancien Musée des beaux-arts seront surpris : entre parcours permanent et architecture, le nouveau « Musée d’art Hyacinthe-Rigaud » a totalement changé de physionomie. Autrefois abrité dans le seul hôtel de Lazerme, large bâtisse du XVIIe siècle léguée à la Ville en 1973 par le dernier comte de Lazerme, le musée disposait de surfaces d’exposition limitées à 300 m2 pour les collections permanentes et 60 m2 pour les présentations temporaires, une partie de l’hôtel demeurant fermé à la visite. En 2013, le musée a fermé ses portes pour permettre un grand projet d’extension, réunissant l’hôtel de Lazerme et son voisin, l’hôtel de Mailly, ancien hôtel particulier de la même époque devenu tour à tour, au fil du XIXe et du XXe siècle, palais épiscopal, conservatoire de musique et médiathèque euro-régionale. « Il ne restait presque rien d’origine dans l’hôtel de Mailly, explique Stéphane Barbotin-Larrieu, l’architecte chargé du projet. Certaines parties intérieures et extérieures de l’hôtel de Lazerme sont très belles, mais il n’y a aucun classement ou inscription au titre des monuments historiques. »
La fusion des deux bâtiments a dégagé près de 800 mètres carrés pour les collections permanentes, 400 pour les expositions temporaires, et près de 500 en cours et courettes. À cela s’ajoute une billetterie, une petite boutique, une salle de conférences, une salle pédagogique. Avec un budget de près de 9 millions d’euros, le nouveau musée a donc été revu de fond en comble et mis aux normes muséales internationales.
La directrice et conservatrice en chef, Claire Muchir, a créé un parcours chronologique autour de quatre grands axes en relation avec l’histoire des artistes sur le territoire, du Perpignan gothique à celui d’aujourd’hui en passant par les périodes baroque et moderne. Pour construire ce parcours, la directrice a dû faire face à un problème de taille : si Perpignan n’a cessé d’attirer les artistes depuis le Moyen Âge et en a vu naître, les collections municipales ne permettaient pas de raconter ce récit au-delà de la période baroque. Formées à partir de dépôts de l’État, de dons, legs et d’opportunités d’achats depuis 1833, elles ne sont pas nécessairement cohérentes. Pour mettre en relief les liens entre Aristide Maillol, Raoul Dufy ou Jean Lurçat, la directrice a convaincu plusieurs institutions du bien-fondé du projet scientifique. Le pari est réussi, et le parcours bénéficie de nombreux dépôts d’une durée de trois à cinq ans : « charge à nous, maintenant, de prouver que nous en sommes dignes », précise Claire Muchir, qui espère bien faire perdurer ces partenariats.
Un récit moderne à construire
Le début du parcours commence dans l’ancien hôtel Mailly, avec des espaces « rendus à leurs dimensions d’origine » selon l’architecte, mais traités de manière contemporaine et tout en camaïeux de gris et taupe.
Les vestiges archéologiques de Perpignan et plusieurs dépôts du Louvre dans les années 1950 composent la partie « Perpignan baroque », construite autour du Retable de la Trinité, témoignage éclatant du gothique catalan. Ce grand panneau en bois peint du XVe siècle a bénéficié d’une restauration profonde qui a mis au jour le fond bleu lazurite, tranchant avec les dorures de la mandorle du Christ en croix. L’architecte a conçu une estrade semi-enterrée pour permettre aux visiteurs une observation prolongée et une proximité accrue.
Hyacinthe Rigaud (1659-1743), natif de la ville, est la figure tutélaire de « Perpignan baroque » avec deux premiers achats effectués en 1830, le dépôt après guerre de l’exceptionnel Autoportrait dit « au ruban » (MNR), et trois acquisitions très récentes, dont le très beau Portrait de Gaspard Rigaud, réencadré à peine quelques jours avant l’ouverture.
Dans l’hôtel de Lazerme, tommettes anciennes, moulures et parquets réapparaissent dans les salles dévolues au « Perpignan moderne ». Des collectionneurs éclairés apportent les avant-gardes dans le Roussillon. Aristide Maillol (1861-1944), natif de Banyuls, à 30 km de Perpignan, revient sans cesse aux sources de son pays natal. De nombreux prêts du Musée Maillol et de la Fondation Dina-Vierny retracent les liens et l’ancrage de l’artiste à ce territoire : une étonnante céramique décorative, Le Relief, présente une Vierge à l’Enfant, probable commande à Maillol de la famille Pams, de richissimes industriels perpignanais. Perpignan accueille également Raoul Dufy (1877-1953), venu se soigner d’une polyarthrite rhumatoïde dans les années 1940. La Console, tableau prêté par le Centre Pompidou, présente son atelier à Perpignan. Dans la région, Dufy croise Lurçat, dont 11 œuvres sont déposées par la Fondation Jean-Lurçat. Enfin, Picasso est accueilli à l’hôtel de Lazerme entre 1952 et 1954 : une très belle exposition temporaire retrace ses séjours familiaux et ses liens amicaux à Perpignan. Trois très beaux portraits de la comtesse de Lazerme par Picasso témoignent de cette période.
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Perpignan célèbre « ses » artistes dans un musée rénové
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Abonnez-vous dès 1 €Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°483 du 7 juillet 2017, avec le titre suivant : Perpignan célèbre « ses » artistes dans un musée rénové