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POLITIQUE CULTURELLE

Loto du patrimoine : le cas britannique

Par Tristan de Bourbon, correspondant à Londres · Le Journal des Arts

Le 19 décembre 2017 - 821 mots

Chaque année la National Lottery apporte environ 400 millions d’euros au financement de travaux de restauration de monuments, d’acquisition d’œuvres ou de construction de musées, soit 20 % du fonds attribués aux bonnes causes.

Grande-Bretagne. La loterie nationale britannique approche du quart de siècle. Créée en 1993 par le gouvernement du Premier ministre conservateur, John Major, et lancée en novembre 1994, elle a permis d’apporter en vingt-trois ans plus de 37 milliards de livres (40 M€) aux « bonnes causes », c’est-à-dire principalement à l’art, au sport et au patrimoine, dont 1,63 milliard de livres (1,85 M€) pour la seule année 2016-2017. Cette somme représente 28 % du chiffre d’affaires de l’ensemble de la loterie nationale gérée par la société Camelot. Il n’existe donc pas de tirage spécifique destiné au seul patrimoine.

Le chef du gouvernement avait alors établi le principe d’« additionnalité » : les fonds accordés via la loterie nationale sont « des dépenses additionnelles pour des causes ou des activités que le contribuable n’était pas censé subventionner ».« Au fil des ans, l’additionnalité est devenue de plus en plus floue », avoue au Journal des Arts Hedley Swain, l’un des responsables d’Arts Council England. « Tous les audits réalisés confirment néanmoins que l’art en général a grandement profité de la loterie nationale. » Même si le gouvernement utilise désormais la loterie pour compléter le budget de certains de ses projets.
 

5 600 demandes de subvention depuis 2012-2013

Le patrimoine britannique en est l’un des principaux bénéficiaires. Actuellement, il perçoit directement 20 % de l’ensemble des fonds attribués aux « bonnes causes » via le Heritage ­Lottery Fund (HLF) et le National Heritage Memorial Fund (NHMF), soit 5,6 % du chiffre d’affaires total de la loterie nationale. Ces deux entités, qui concrètement ne font qu’une, sont dirigées depuis 2016 par Ros Kerslake, auparavant à la tête du Prince’s Regeneration Trust, une entité caritative fondée et financée par le prince Charles et également consacrée à la protection du patrimoine.

Depuis 1994, le fonds du patrimoine a distribué 7,7 milliards (8,75 M€) à plus de 51 000 projets. Au cours des quatre dernières années, il a versé chaque année entre 327 millions (371 M€) et 385 millions de livres (437 M€). Il emploie 320 personnes et ses frais de fonctionnement se sont élevés en 2016-2017 à 7 % de son budget total.

Depuis l’année 2012-2013, 5 600 organisations ont fait acte de candidature selon des montants très variables : 63 % des candidatures ont concerné des demandes inférieures à 50 000 livres et 93 % à moins de 100 000 livres. Dans son dernier rapport annuel, le fonds du patrimoine explique ainsi que ses « programmes de petites bourses restent un outil particulièrement utile pour s’assurer que les fonds atteignent les localités et encouragent la participation », l’objectif initial de la loterie nationale. Il a ainsi financé 480 projets intégrés à son programme « Partager son patrimoine » et 211 projets liés à la Première Guerre mondiale, tous d’un montant inférieur à 10 000 livres (11 400 €).
 

Pour 1 million de livres de subvention, 10 % d’apport est demandé

En revanche, toujours dans ce même laps de temps, 51 % du montant total des subventions ont été attribués à des projets d’un montant supérieur à 2 millions de livres (2,3 M€). Le fonds du patrimoine ne réclame pas d’apport financier pour les projets inférieurs à 100 000 livres (114 000 €), même s’il encourage le soutien non financier des communautés, comme par exemple la participation de volontaires. Pour les projets supérieurs à cette somme, un apport financier est demandé. Les entités réclamant plus d’1 million de livres (1,13 M€) doivent au moins apporter 10 % du budget total de leur projet.

Les demandes de subventions inférieures à 2 millions de livres (une somme ramenée à 1 million à partir de 2018) sont étudiées par l’un des douze bureaux ou comités locaux du fonds du patrimoine et par le conseil d’administration d’HLF pour les sommes supérieures.

Ces subventions varient beaucoup : une contribution de 15,8 millions de livres (18 M€) à l’acquisition pour 24,7 millions de livres (28 M€) d’un tableau de Constable ; 13,6 millions de livres (15,5 M€) pour la construction d’un musée à Blackpool dont le coût est de 21 millions de livres (24 M€) ou encore 23,8 millions de livres (27 M€) pour la réfection d’un ancien hôtel et spa.

Au cours des ans, le fonds du patrimoine s’est partiellement retrouvé en concurrence avec Arts Council England. La principale administration artistique du Royaume-Uni, qui a perçu l’an dernier 14 % du budget total attribué aux « bonnes causes » par Camelot, finance aussi des musées régionaux. Une enquête commanditée par le gouvernement a conclu le 14 novembre que les deux entités doivent désormais collaborer activement. « La réflexion est déjà lancée mais tout cela sera compliqué puisque les périmètres d’action du fonds et d’Arts Council England divergent, précise ­Hedley Swain. Ce dernier organisme ne travaille qu’en Angleterre avec des musées régionaux, l’autre dans tout le Royaume-Uni avec des musées de toutes tailles. »

 

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Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°491 du 15 décembre 2017, avec le titre suivant : Loto du patrimoine : le cas britannique

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