À la suite de notre article, « Une loi pour les musées de France », (JdA n° 1, mars), qui évoquait une disposition du projet de loi concernant les restaurateurs, Véronique Monier, présidente de la Fédération française des associations de conservateurs-restaurateurs, nous a communiqué les réflexions suivantes.
L’article mentionne une disposition de ce projet de loi assurant que la restauration des collections des musées sera confiée à des "restaurateurs habilités". Il ne cite pas les articles portant sur la création d’un titre de "restaurateur du patrimoine". Ce point du projet mérite que l’on s’y arrête plus longuement, car les professionnels de la conservation-restauration seraient enfin dotés d’une existence légale.
À l’heure actuelle, en effet, les conservateurs-restaurateurs (1) ne bénéficient d’aucun statut juridique : tout le monde et n’importe qui peut s’établir restaurateur.
Or, des interventions techniques sur un bien culturel quel qu’il soit, muséal ou autre, sont des actes graves et souvent irréversibles où se jouent à la fois la compréhension immédiate de l’œuvre et ses chances de survie : elles doivent donc être effectuées par des professionnels hautement qualifiés.
La notion de préservation et de conservation du patrimoine s’étant, en effet, profondément modifiée depuis un demi-siècle, la formation des restaurateurs a en conséquence considérablement évolué. En France, l’État a organisé ou reconnu des formations (niveau Bac 4) qui donnent aux diplômés des compétences scientifiques nécessaires à l’établissement du diagnostic, à la conception, la documentation et la mise en œuvre des traitements de conservation-restauration selon l’éthique définie et exigée par les instances internationales de protection du patrimoine (2).
Malheureusement, l’actuel projet de loi définit incomplètement la profession de conservateur-restaurateur : une formation spécifique en conservation-restauration n’est pas requise pour accéder au titre, et le champ d’application des compétences n’est pas clairement décrit. Mais surtout, les caractères essentiels de la profession – respect d’un code de déontologie, responsabilité des actes – ne sont pas pris en compte.
En ce qui concerne les collections des musées, les imprécisions et les silences du texte relatif au titre amènent les rédacteurs du projet à préconiser une habilitation qui, en conséquence, affaiblirait la portée du titre et créerait une distinction préjudiciable et arbitraire entre patrimoine muséal et non muséal. L’habilitation, héritière de l’ancien "agrément", a d’ailleurs déjà fait l’objet d’un recours en contentieux auprès du Conseil d’État contre le ministre de la Culture en 1991, alors qu’il était envisagé de l’imposer par décision administrative.
Aujourd’hui, la Fédération française des associations de conservateurs-restaurateurs, qui promeut une déontologie inspirée des principes du Conseil international des musées (Icom), souhaite la reconnaissance d’un titre professionnel fort, appuyé sur des diplômes d’État reconnus – un mode d’intégration des professionnels non diplômés exerçant avant sa création étant prévu – qui, plutôt qu’une habilitation, fournirait la garantie d’un haut niveau d’expertise nécessaire à la préservation du patrimoine, de tout le patrimoine, public et privé. Tout commanditaire pourrait alors s’adresser en confiance à des professionnels dont le titre serait un véritable gage de compétence.
Véronique Monier - Présidente de la Fédération française des associations de conservateurs-restaurateurs (3)
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Les conservateurs-restaurateurs : pour un titre professionnel « fort »
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Abonnez-vous dès 1 €(1) Le terme de conservateur-restaurateur, défini par divers textes internationaux, tend à se généraliser, le terme de restaurateur ne rendant pas compte de l’évolution considérable connue par cette discipline (cf. "Le Conservateur-restaurateur : une définition de la profession", Nouvelles de l’Icom, vol. 39, n°1, Paris, Unesco, 1986.
(2) Charte de Venise : premier texte international d’éthique patrimoniale rédigé en 1964. Depuis, d’autres textes nationaux ou internationaux ont vu jour, notamment sous l’égide de l’Icom.
(3) La fédération regroupe huit associations ; des liens sont entretenus avec les associations homologues européennes au travers de E.C.C.O., European Confederation of Conservators-restorers Organisations.
Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°2 du 1 avril 1994, avec le titre suivant : Les conservateurs-restaurateurs : pour un titre professionnel « fort »