FRANCE
Leurs chantiers ont connu un coup d’arrêt avec le confinement, et l’avenir reste incertain pour les restaurateurs. Ceux-ci craignent une baisse de la commande publique, dont ils dépendent fortement.
France. Après plusieurs semaines d’inactivité, les chantiers de restauration s’animent peu à peu. Pour Hélène Dreyfus, restauratrice de sculptures, le travail a repris début mai, alors que le pays était encore confiné. « J’ai évalué le risque, nous ne sommes que deux et nous travaillons en binôme pendant un mois » : une prise de risque sanitaire limitée. La grande institution culturelle parisienne où se déroule le chantier a accepté ce retour précoce à l’activité, « une manière de nous remettre le pied à l’étrier », souligne la restauratrice, alors l’une des seules à avoir un chantier en cours.
Car pour ces professionnels, le confinement a entraîné un arrêt quasi total de l’activité. Rares sont les restaurateurs disposant de leur propre atelier, en mesure d’honorer leurs commandes malgré le confinement. Pour la majorité d’entre eux, les missions se déroulent dans les réserves et les salles des musées comme dans les monuments historiques, autant de lieux devenus inaccessibles. À l’heure de la reprise, certains commanditaires souhaitent remettre les restaurateurs sur les rails, quand d’autres redoutent de mettre leur responsabilité en jeu en relançant des chantiers qui font parfois intervenir dix à quinze entrepreneurs différents.
Composée à 70 % d’entrepreneurs indépendants, la profession n’a toutefois pas pu profiter du fonds de solidarité mis en place pour les entreprises en difficulté. « 74 % d’entre nous n’ont pas été éligibles au fonds, à cause du mode de calcul de la baisse du chiffre d’affaires », déplore Clémentine Bollard, présidente de la Fédération française des professionnels de la conservation-restauration (FFCR). Pour prétendre au fonds, il faut en effet prouver une baisse du chiffre d’affaires significative entre mars 2019 et mars 2020. « Nous travaillons sur des chantiers de longue durée, facturés de manière irrégulière, et cela une fois la prestation réalisée, explique Clémentine Bollard. En mars 2020, certains ont facturé des chantiers de janvier. Notre chiffre d’affaires est trompeur. »
L’accès à cette aide devrait désormais être facilité par l’assouplissement des critères d’éligibilité, avec la prise en compte du chiffre d’affaires lissé sur l’année. Les conservateurs-restaurateurs devraient également bénéficier d’une aide spécifique annoncée par le ministère de la Culture le 22 avril. Le fonds devait initialement être porté par l’Institut national des métiers d’art, « mais nous cherchons encore le bon porteur, indique Jean-Baptiste de Froment, conseiller patrimoine au cabinet de Franck Riester. Pour le patrimoine, la difficulté est qu’il n’existe pas d’opérateurs comme le CNC (Centre national du cinéma), capables de traiter une aide directe. Il faut trouver un intermédiaire. » Une fois mis en place, le fonds concernera également les guides-interprètes et les architectes.
Une reprise tardive des activités culturelles aura des conséquences : chargés de l’entretien et de la surveillance des œuvres des collections muséales, les conservateurs-restaurateurs incluent dans leurs prestations la supervision du montage des expositions. « Là on est suspendus aux institutions », s’inquiète Hélène Dreyfus, qui espère qu’au mois de juin les plus importantes d’entre elles pourront rouvrir leurs portes.
Mais l’inquiétude de la profession ne se limite pas aux quelques mois de vaches maigres causés par le confinement : « On peut absorber un creux, notre profession ne connaît pas de revenus linéaires, mais on pourra l’absorber uniquement s’il y a de la commande publique », explique Isabelle Baudoin, restauratrice de vitraux.Une contraction des budgets alloués à la restauration mettrait en danger ces professionnels qui dépendent à 70 % de la commande publique. Pour certains, la commande de l’État ou des collectivités représente même jusqu’à 90 % de leurs revenus.
Lors d’une conférence prononcée le 19 mai devant les acteurs du patrimoine, le ministre de la Culture s’est engagé à maintenir le niveau de la commande publique de l’État. « Si on ne le dit pas clairement, les institutions vont naturellement l’utiliser comme variable d’ajustement », redoute Jean-Baptiste de Froment. Pour stimuler la commande des collectivités locales, sur lesquelles la Rue de Valois n’a pas de prise, le conseiller chargé du patrimoine envisage de jouer sur des leviers existants : « On pourrait renforcer nos contributions à tous les musées de France, pousser le curseur des subventions aux travaux sur les monuments historiques. » Le « plan pour la culture » lancé par le président de la République le 6 mai pourrait aussi profiter aux conservateurs-restaurateurs. Ceux-ci rentrent en effet dans le champ des « métiers d’art », catégorie qui bénéficiera tout comme les artistes de ce programme de commande artistique publique. Après des semaines d’incertitude – durant lesquelles le patrimoine ne semblait pas au cœur des préoccupations du ministère de la Culture – ces engagements rassurent un peu la profession, qui a désormais « l’assurance que le ministère travaille activement sur le sujet », note Clémentine Bollard.
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Inquiétudes chez les conservateurs-restaurateurs
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Abonnez-vous dès 1 €Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°547 du 5 juin 2020, avec le titre suivant : Inquiétudes chez les conservateurs-restaurateurs