Restauration

Le restaurateur, gardien du patrimoine

Par Eva Bensard · Le Journal des Arts

Le 29 août 2003 - 1029 mots

Dans le cadre de notre rubrique consacrée à un métier de la culture, nous vous invitons aujourd’hui à découvrir celui de restaurateur.

“Conserver-restaurer le patrimoine culturel. Voilà une activité qui peut paraître bien hermétique ou rigoureuse. C’est pourtant celle de professionnels généralistes ou spécialistes, qui s’attachent à diagnostiquer, sauvegarder ou préserver, étudier et mettre en valeur les œuvres et les objets qui leur sont confiés par leurs propriétaires ou les responsables de collections publiques”, souligne la Fédération française des conservateurs-restaurateurs (FFCR), association œuvrant à la connaissance et à la valorisation du métier en France.

L’appellation de “conservateur-restaurateur”, qui n’est pas toujours du goût des conservateurs de musées, a aujourd’hui la faveur des restaurateurs, car elle fait référence aux deux principaux aspects de leur travail : agir sur les causes de l’altération d’un objet afin de prolonger son existence, intervenir éventuellement sur son esthétique, de manière à garantir la lisibilité de l’œuvre. “Quel que soit le type d’intervention, on s’intéresse dans un premier temps à la stabilité des matériaux, affirme Anne-Élisabeth Rouault, spécialisée dans la peinture. Soulèvements de la matière picturale, déchirements du support ou attaques d’insectes xylophages doivent être traités en priorité.” Responsable de l’atelier de restauration d’arts graphiques du Musée Carnavalet, Michèle Navarre fait le même constat : “Il faut savoir mesurer pour chaque traitement le risque encouru pour l’œuvre, et donc ne pas chercher à supprimer à tout prix les marques laissées par le temps et l’histoire sur l’objet.” La restauration peut ainsi consister en un simple nettoyage de l’objet. Et, si des interventions plus poussées sont effectuées, les produits utilisés doivent être stables et réversibles. “Les prestations intellectuelles sont prépondérantes dans notre métier, remarque Anne-Élisabeth Rouault. Pour chaque objet, nous devons réaliser un diagnostic, identifier les techniques de création et proposer un protocole d’intervention.”

Les aptitudes requises pour exercer sont ainsi des plus variées : respect des œuvres, sensibilité artistique, culture historique, habilité manuelle, connaissance des techniques anciennes et notions en physique-chimie… “Des qualités de minutie, d’organisation et de patience sont en outre indispensables”, précise Michèle Navarre. Quatre formations de haut niveau (lire l’encadré) permettent aujourd’hui de développer de telles compétences. L’une des plus réputées est celle que propose l’Institut national du patrimoine, auquel a été rattaché en 1996 le département des restaurateurs du patrimoine (ancien Ifroa). Aussi prestigieux que sélectif – sur les 150 à 200 candidats qui s’inscrivent chaque année au concours d’admission, une vingtaine seulement intègrent l’Institut – , ce cursus de quatre ans conjugue cours théoriques et enseignement en ateliers, assurés par des professionnels de la restauration. Ouvert aux étudiants de 20 à 30 ans en possession d’un baccalauréat, il accueille des lauréats âgés d’environ 25 ans, fortement motivés et solidement préparés. Généralement titulaires d’un diplôme de second voire de troisième cycle en histoire de l’art ou en sciences, ils ont déjà acquis une culture et une sensibilité artistique, et perfectionné leur dextérité dans une des sept spécialités offertes au concours (arts du feu, arts graphiques, arts textiles, mobilier, peinture, photographie et sculpture).

Une profession précarisée
“Les formations délivrées par l’INP comme la MST (maîtrise de sciences et techniques) sont excellentes, mais elles préparent peu à certaines réalités professionnelles, et notamment à l’exercice du métier en indépendant”, déplore Anne-Élisabeth Rouault. Une lacune d’autant plus regrettable que l’écrasante majorité des restaurateurs (environ 95 % des 900 professionnels qualifiés actuellement en activité) sont aujourd’hui dans ce cas de figure. Les jeunes diplômés connaissent donc souvent des débuts difficiles, multipliant les démarches auprès des responsables de collections, dont il faut réussir à gagner la confiance, ou travaillant en rétrocession d’honoraires chez des confrères déjà installés.

Les professionnels salariés sont rares, peu d’institutions patrimoniales s’attachant les services de restaurateurs. “Le plus souvent, les musées font appel à des indépendants choisis sur devis”, explique Michèle Navarre. Une situation qui tend à précariser la profession, et qui empêche un suivi régulier et sur le long terme des collections publiques. En outre, souligne Anne-Élisabeth Rouault, “la mise en concurrence des restaurateurs devient de plus en plus importante”.

Les restaurateurs ne désirant pas exercer en indépendant peuvent également tenter d’intégrer le corps des “techniciens d’art” et “chefs de travaux d’art” (branche “Restauration et conservation préventive”) du ministère de la Culture (accès sur concours). C’est la voie qu’a choisie Emmanuel Plé, restaurateur du Centre de recherche et de restauration des musées de France (C2RMF) depuis 1991. Spécialiste des “métaux modernes” (du XIIIe au XIXe siècle), il restaure des pièces conservées majoritairement au Musée du Louvre, à l’image de cette impressionnante paire de vases russes montés en candélabres (fin du XVIIIe siècle, collection du baron Schlichting), supportant chacun la bagatelle de trente kilos de bronze doré ! “Ma plus grande satisfaction, confie-t-il, est de voir, à l’occasion d’expositions temporaires, les visiteurs admirer des objets que j’ai restaurés.” On pourra prochainement apprécier son savoir-faire lors de la présentation au public au Musée du Louvre, dans le cadre de “L’objet du mois”, de la paire de vases du baron Schlichting...

Les formations et associations professionnelles

- L’Institut national du patrimoine (INP), département des restaurateurs du patrimoine (Ifroa), 150 av. du Président-Wilson, 93210 Saint-Denis La Plaine, tél. 01 49 46 57 00, www.inp.fr.

- La maîtrise de sciences et techniques (MST) section "Conservation et restauration des biens culturels", université de Paris-I, 17 rue de Tolbiac, tél. 01 45 83 33 57. Cette MST forme des praticiens de la conservation-restauration des œuvres d’art, des objets et des sites archéologiques et ethnologiques. Paris-I propose également un DESS de conservation préventive (même numéro de téléphone).

- L’école d’art d’Avignon, cycle "Conservation-restauration des œuvres peintes", hôtel de Montfaucon, 7 rue Violette, 83 000 Avignon, tél. 04 90 82 48 06.

- L’école supérieure des beaux-arts de Tours, cycle "Conservation-restauration des œuvres sculptées", jardin François-Ier, BP 1152, 37011 Tours, tél. 02 47 05 72 88.

- FFCR : Fédération française des conservateurs-restaurateurs, tél. 01 42 02 34 81 (permanence téléphonique le jeudi de 10 heures à 12 heures), www.ifrance.com/ffcr [ce site n'est plus accessible actuellement]

- AEAE-Ifroa : Association des élèves et anciens élèves de l’INP, département des restaurateurs du patrimoine (Ifroa).

- Araafu : Association des restaurateurs d’art et d’archéologie de formation universitaire, tél. 01 44 87 01 59.

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Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°175 du 29 août 2003, avec le titre suivant : Le restaurateur, gardien du patrimoine

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