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Un décret creuse le fossé entre conservateurs d’État et territoriaux

Par Sindbad Hammache · Le Journal des Arts

Le 21 janvier 2022 - 579 mots

PARIS

Selon l’Association nationale des conservateurs, la création d’un échelon supplémentaire pour les conservateurs du corps d’État crée une inégalité avec leurs homologues territoriaux.

Formation des élèves conservateurs de l'INP : "Chantier des collections" au cabinet d'arts graphiques du Musée des arts décoratifs. © Photo MAD, 2018
Formation des élèves conservateurs de l'INP : « Chantier des collections » au cabinet d'arts graphiques du Musée des arts décoratifs.
© Photo MAD, 2018

Paris. C’est un décret rendu juste avant les fêtes de fin d’année qui provoque la colère des conservateurs en ce début 2022. Le texte a notamment pour objet la création d’un échelon spécial pour les conservateurs généraux, le grade le plus haut de la corporation. Publié le 23 décembre 2021, il fait suite au décret du 22 décembre qui revalorise légèrement le point d’indice, gelé depuis une dizaine d’années. Si, sur le papier, ce décret ressemble à une bonne nouvelle, l’Association nationale des conservateurs du patrimoine et des professionnels des musées et des autres patrimoines publics de France (AGCCPF) y voit une aggravation de la différence de traitement entre les conservateurs d’État et les conservateurs de la fonction publique territoriale.

Car le texte du 23 décembre ne concerne en effet que les premiers. En créant cet échelon supplémentaire, il creuse un écart déjà existant entre les deux corps : les conservateurs territoriaux n’ont en effet pas accès au grade de conservateur général. Un traitement asymétrique que dénonce régulièrement l’AGCCPF : « Voilà des années que nous demandons à tous les gouvernements que les territoriaux puissent accéder au généralat, explique Christophe Vital, administrateur de l’association. Il y a deux mois nous avons envoyé une lettre aux ministres de la Culture et de la Fonction publique à ce sujet, lettre qui est restée sans réponse. Notre réaction n’en est que plus vive ! »

Cette différence trouverait son origine dans la différence de recrutement qui existait par le passé entre les conservateurs du Louvre et des grands musées, passant par un concours, et les autres, recrutés par cooptation. Depuis 1990, la création de l’Institut national du patrimoine (INP) réunit les différents conservateurs en un corps unique, suivant la même formation et recrutés sur la base d’un même concours. Passant les mêmes épreuves, puis, une fois admis à l’INP, suivant la même formation, et obtenant le même diplôme, les conservateurs d’État et territoriaux ne bénéficient pas des mêmes possibilités d’évolution de carrière.

Le conservateur territorial, un « homme-orchestre »

Pour l’AGCCPF, le haut degré de responsabilité des conservateurs territoriaux rend cette différence de traitement d’autant plus injuste : « Quand des collègues directeurs de plusieurs musées occupent des postes extrêmement importants, gèrent des collections de grande qualité, il n’est pas normal qu’ils n’aient pas le même grade que leurs collègues de l’État qui ont parfois moins de responsabilités. » Dès 2006, une enquête du ministère de la Culture sur « Les nouveaux conservateurs » témoignait de l’évolution du métier pour les conservateurs territoriaux, qualifiés d’« hommes-orchestre », cumulant activités scientifiques, de conservation, tâches administratives et négociation avec les élus.

Le sujet avait fait l’objet d’une question écrite posée par le député Philippe Folliot (UDI) en 2016. La réponse justifiait en partie cette disparité par l’absence d’obligation de mobilité pour les agents territoriaux : la progression de la carrière des conservateurs d’État est en revanche conditionnée par une période de détachement dans la fonction publique territoriale. Pour l’AGCCPF, la raison serait plutôt à chercher du côté des administrateurs territoriaux, peu enclins à voir la rémunération des conservateurs revalorisée par un nouveau grade. Un article des sociologues Léonie Hénaut et Frédéric Poulard ajoutait en 2018 cette autre hypothèse : « Les secrétaires généraux des collectivités […] se sont opposés à la création du généralat chez les conservateurs territoriaux de façon à maintenir à leur égard un clair rapport d’autorité », pouvait-on y lire.

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Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°581 du 21 janvier 2022, avec le titre suivant : Un décret creuse le fossé entre conservateurs d’État et territoriaux

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