Restauration

Colloque

Les restaurateurs ne veulent plus être des hors-la-loi

Reconnaissance et statut, formation et déontologie

Par Jean-Marie Schmitt · Le Journal des Arts

Le 1 décembre 1994 - 569 mots

Lors d’un colloque organisé par le Centre du droit de l’art à Lausanne, les représentants des "conservateurs-restaurateurs" de plusieurs pays européens ont fait le point des projets de réglementation de leur profession. Leur impatience se résume en deux mots : reconnaissance et statut. Leurs propositions, en deux autres : formation et déontologie.

LAUSANNE - Les professionnels du marché de l’art, les juristes, et les représentants des administrations patrimoniales ont désormais l’habitude de se retrouver chaque année, à l’invitation du Centre du droit de l’art, pour débattre de thèmes précis. Leur dernier rendez-vous, le 17 octobre, était consacré aux restaurateurs d’œuvres d’art, plus précisément aux "conservateurs-restaurateurs", qualificatif revendiqué par les intéressés.

Comme l’observait d’emblée un des participants, la situation des restaurateurs présente des analogies avec celle des experts en œuvres d’art : absence de statut, responsabilité juridique "floue", définition malaisée des règles de l’art etc… Paradoxalement, les restaurateurs veulent une réglementation publique de leurs activités, alors que les experts ne semblent pas généralement la souhaiter.

L’explication se trouve peut-être parmi les thèmes qui ont dominé les échanges. En matière de formation, les restaurateurs se veulent des scientifiques et soulignent l’impératif de formations théoriques et pratiques de haut niveau. Les experts privilégient la pratique, laissant aux conservateurs et historiens de l’art le soin d’assumer la théorie.

La Charte de Venise
Par ailleurs, l’impératif de protection du patrimoine, internationalement reconnu, donne aux activités de conservation-restauration l’onction collective qui manque aux experts, confinés dans des activités "commerciales". La Charte de Venise, adoptée en 1964 à l’initiative de l’Unesco, apporte la base doctrinale correspondante.

Enfin, les "conservateurs-restaurateurs" peuvent s’appuyer sur la crédibilité de leurs textes professionnels, la Charte de Venise fournissant un corps de règles. On en voit la trace dans les codes de pratique et de déontologie des différentes organisations, qui sont plus précis et "engageants" que ceux généralement proposés par les experts.

Les restaurateurs estiment donc qu’ils sont prêts pour une reconnaissance publique. Ils se montrent mécontents des lenteurs du processus réglementaire et législatif qui les maintiennent encore hors-la-loi.

Un texte français minimaliste
Le texte français, considéré comme minimaliste et prévoyant la protection du titre de "conservateur-restaurateur", était inclus dans le projet de loi sur les musées, actuellement en sommeil. Le projet allemand butterait sur l’opposition des artisans, dont les restaurateurs souhaitent se démarquer. L’adoption du texte italien – plus élaboré – a été retardée par le changement de gouvernement mais devrait prochainement aboutir.

Les Anglais souhaitent aussi une réglementation mais, sans attendre, ont mis en place un "Registre de la conservation", qui, après enquête et sélection, enregistre les restaurateurs par spécialité. Sept cents noms sont actuellement enregistrés sur les deux mille cinq cents restaurateurs opérant au Royaume-Uni. Pour un faible coût, il est possible d’obtenir une liste de cinq restaurateurs inscrits au registre.
 
Il est évident que la recherche d’une réglementation est légitime, compte tenu en particulier de l’intérêt public qui s’attache au patrimoine. La reconnaissance recherchée s’accompagne donc du désir de mieux contrôler la qualité de l’offre en matière de restauration, mais également sa quantité. Le statut débouchera donc nécessairement sur un monopole d’exercice plus ou moins étendu. L’important est de savoir si les professionnels sauront le gérer sans abus ni sectarisme.

Les trois premiers colloques ont fait l’objet de publications : "Études en droit de l’art" (Éditions Schulthess Polygraphischer Verlag, Zurich).
Centre du droit de l’art, Case postale 176, 1211 Genève 12. Tél. : (22) 347 84 88

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Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°9 du 1 décembre 1994, avec le titre suivant : Les restaurateurs ne veulent plus être des hors-la-loi

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