PARIS
Les expertises révèlent une polychromie encore plus éclatante que prévu pour les sculptures du retable d’Issenheim.
Paris. Dans les locaux du Centre de recherche et de restauration des musées de France (C2RMF) au palais du Louvre, les sculptures du retable d’Issenheim viennent de passer une batterie de tests révélant leur exceptionnelle facture et leur rarissime polychromie. Le retable, polyptyque monumental exécuté conjointement entre 1512 et 1516 par le peintre Matthias Grünewald et le sculpteur Nicolas de Haguenau, consacré à saint Antoine, est conservé au Musée Unterlinden de Colmar (Haut-Rhin) depuis son ouverture en 1853. Il est actuellement l’objet d’une restauration globale après une première opération mouvementée en 2011.
Paradoxalement, les sculptures sont les parties les moins connues du retable alors qu’elles ont été conçues par Haguenau pour être au cœur du dispositif des fameux panneaux peints de Grünewald. « Devant l’écrasante présence des panneaux peints, il est facile pour le visiteur de sortir de la chapelle sans avoir pris conscience des sculptures », relève la restauratrice Juliette Levy-Hinstin, chargée de la restauration des sculptures.
Depuis septembre 2018, les séances de prises de vue, d’imageries et de tests se sont succédé sur les sculptures. D’abord envisagée en différentes phases pour éviter de frustrer les visiteurs du musée, la restauration des sculptures se déroulera finalement dans un même temps, afin de respecter la cohérence et de garantir l’homogénéité des interventions. Grâce à cette phase d’étude, les intuitions des restaurateurs se sont confirmées : les statues monumentales des trois saints ont chacune été exécutées dans une bille de bois de tilleul unique, et « la polychromie d’origine est beaucoup plus présente et forte que ce que l’on pensait », observe Isabelle Pallot-Frossard, directrice du C2RMF, qui veille sur ce projet phare pour le centre. Les tests de nettoyage révèlent l’éclat intact des glacis sur or et sur argent – « comme je n’en ai jamais vu», selon Juliette Levy-Hinstin. Ils montrent la forte modulation chromatique des couleurs et le foisonnement de techniques complexes pour traiter broderies et vêtements des saints. « Des peintures en trois dimensions », résume la directrice du C2RMF. Camaïeux iridescents de bleus, de rouges, de verts et de violets, encrassés ou cachés en partie sous des repeints du XVIIIe siècle : les fenêtres de tests laissent entrevoir la palette luxuriante, plus en accord avec celles des panneaux peints.
Réuni le 5 mars, le comité scientifique qui préside à la restauration a décidé, à l’unanimité, que les restaurateurs procéderaient, outre le dépoussiérage et le nettoyage de la couche de vernis moderne, à l’enlèvement des parties repeintes pour dégager la polychromie d’origine. Saint Jérôme devrait par exemple retrouver des manches azuréennes, aujourd’hui recouvertes d’un aplat de couleur rouge. Cette décision devrait allonger la durée du chantier, prévu à l’origine pour s’achever au printemps 2021. Estimé à 655 800 euros pour la restauration pure, le montant final devra être revu à la hausse. À Colmar, la restauration des panneaux peints se poursuit dès la mi-mars dans la salle du retable et sous les yeux du public.
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Le retable d’Issenheim retrouve de la couleur
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Abonnez-vous dès 1 €Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°519 du 15 mars 2019, avec le titre suivant : Le retable d’Issenheim retrouve de la couleur