Restauration

À Colmar, un nouvel Unterlinden pour le retable d’Issenheim

Par Sindbad Hammache · Le Journal des Arts

Le 28 septembre 2022 - 517 mots

COLMAR

Avec le chef-d’œuvre de Grünewald restauré, le musée alsacien retrouve sa pièce maîtresse magnifiée par une nouvelle muséographie.

Le retable d'Issenheim, peint par Grünewald entre 1512 et 1516, restauré et présenté dans sa nouvelle salle du Musée Unterlinden à Colmar. © Le Reverbère, Mulhouse
Le retable d'Issenheim, peint par Grünewald entre 1512 et 1516, restauré et présenté dans sa nouvelle salle du Musée Unterlinden à Colmar.
© Le Reverbère, Mulhouse

Colmar (Haut-Rhin). Depuis quatre ans, c’était l’une des restaurations les plus suivies de France. Le résultat livré en juillet a donné entière satisfaction, et ce jusqu’aux plus vigilants des observateurs : le retable d’Issenheim a réintégré l’église attenante au cloître du Musée Unterlinden de Colmar, après un chantier qui n’aura laissé de côté aucun élément constituant l’ensemble des trois panneaux.

Dans la nef, les discrètes interventions d’aménagement de l’agence d’architecture suisse Herzog & de Meuron atténuent la connotation religieuse de l’écrin, pour en faire une véritable salle de musée : parquet au sol ; support s’effaçant derrière l’œuvre et permettant une évacuation aisée en cas de sinistre ; lumière naturelle soutenue par des spots qui homogénéisent l’éclairage. En préambule, les salles XIVe et XVe siècles ouvrent également leurs portes, réorganisées par foyer de production plutôt que par techniques.

C’est une œuvre d’art universelle que l’on découvre, plus qu’un objet dévotionnel, selon les vœux du musée et de l’équipe de restauration. Pourtant, le comité scientifique du chantier a choisi de laisser visibles les marques du temps et de l’usage religieux accumulées depuis le XVe siècle. Brûlures dues aux cierges, usure des supports ouverts et refermés sans cérémonie pendant des siècles de culte : cette patine chargée d’histoire est conservée, mais traitée de manière à ne pas focaliser l’attention du regardeur. Celui-ci sera certainement happé par les couleurs retrouvées sur les panneaux peints par Matthias Grünewald entre 1512 et 1516. La couche de vernis opaque et jaunissante, qui avait amené le Centre de recherche et de restauration des musées de France (C2RMF) à programmer la restauration, a disparu.

Une palette vibrante révélée

Deux groupements différents ont travaillé sur ce chantier, l’un affecté aux œuvres peintes, l’autre aux sculptures, tous deux secondés par le C2RMF qui a largement mis à disposition ses outils d’analyse et d’imagerie afin de guider les choix de restauration. Des outils précieux pour retrouver, par exemple, le ciel dégradé de la Crucifixion centrale du premier panneau, entièrement repeint en 1903 pour masquer la perte de matière originelle. Sur chaque panneau, la restauration « minimale » des peintures menée par le groupe d’Anthony Pontabry révèle des détails perdus et une palette vibrante. La masse de cheveux de Marie Madeleine, autrefois engloutie dans un fond noir, refait ainsi surface. Sur les supports, le traitement laser [lire p. 14] a permis de retrouver des nuances plus claires au niveau du drapé de la Vierge sur le panneau : la peinture éclaire son cadre, qui fait ainsi totalement partie de l’œuvre.

Pantxika de Paepe, directrice du musée, souligne quant à elle l’humanité retrouvée de la statuaire, dissimulée dans le dernier volet du retable. L’équipe dirigée par Juliette Levy-Hinstin a rendu à cet ensemble sculpté l’importance centrale qu’il revêtait, éclipsé par les peintures de Grünewald. Les analyses du C2RMF ont permis d’achever l’étude jusqu’ici incomplète des polychromies d’origine, retrouvées sur la quasi-totalité de l’ensemble – un fait « rare et remarquable », souligne la restauratrice dont le groupement a remis en lumière les couleurs du XVIe siècle.

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Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°595 du 23 septembre 2022, avec le titre suivant : À Colmar, un nouvel Unterlinden pour le retable d’Issenheim

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