PARIS
La Bibliothèque nationale de France vient de recevoir la livraison de la seconde partie du chantier architectural : une rénovation pensée pour l’ouverture au grand public.
Paris. Ce n’est pas un monument historique, mais un îlot urbain dont les travaux viennent de s’achever après dix ans de chantier. Inauguré en présence du président de la République le 28 septembre dernier, venu également célébrer les trois cents ans de l’implantation de la Bibliothèque nationale de France (BNF) sur le site, le quadrilatère Richelieu a été pensé à l’échelle du pâté de maison, pour redonner une unité à la stratigraphie patrimoniale qui le compose. De François Mansart au XVIIIe siècle à Michel Roux-Spitz en 1930, en passant inévitablement par Henri Labrouste, le site Richelieu est aussi un conservatoire grandeur nature de l’architecture française.
« Le caractère monumental et hétérogène des lieux nous a frappés, il fallait faire affleurer cette tranche d’histoire », explique Bruno Gaudin, maître d’œuvre du projet avec Virginie Brégal et Michel Trubert (architecte en chef des Monuments historiques) pour la partie patrimoniale. Traiter l’architecture comme l’une des 20 millions d’œuvres de la collection conservée par la bibliothèque a été l’un des aiguillons de ce chantier aux proportions gigantesques : le quadrilatère dispose de 58 000 m2 de surface, et ses travaux ont nécessité 250 millions d’euros – financés par les ministères de l’Enseignement supérieur et de la Culture, ainsi que par le mécénat (à hauteur de 10 %). L’ouverture au public de cet îlot fermé sur la ville a été l’autre objectif de la rénovation, au prix, parfois, de quelques concessions sur la conservation du patrimoine.
Démarrés en 2010, les travaux ont pour point de départ une mise aux normes de sécurité nécessaire : un « prétexte » dont se saisissent les architectes pour envisager la rénovation de manière globale. Le chantier se déroule en deux phases, coupant le quadrilatère Richelieu dans sa longueur. La première, livrée en 2016, a rendu aux étudiants de l’Institut national d’histoire de l’art la majestueuse salle Labrouste et ses coupoles caractéristiques. La seconde, qui vient de s’achever, correspond à la moitié est de l’îlot. Cette fois, les destinataires du chantier ne sont pas les étudiants et chercheurs, mais le grand public ainsi que les personnels de la BNF. Quatorze circulations verticales, la plupart invisibles, facilitent désormais la communication entre les parties inférieures et supérieures du site Richelieu : le lieu compte quatre sous-sols dévolus aux réserves.
Pour ouvrir le site Richelieu, il a fallu en repenser les circulations, en pratiquant notamment une nouvelle ouverture. La solennelle entrée de la rue Richelieu, côté « campus », trouvera désormais son pendant dans la cour donnant sur la rue Vivienne : une entrée « plus affable », selon Bruno Gaudin, qui permettra d’accéder directement à la salle Ovale [voir ill.] et aux galeries du musée de la BNF, avant d’avoir traversé un jardin réalisé par Gilles Clément et financé par le 1 % artistique du chantier. L’aile sur jardin, dont la destination première est d’être un préambule à la grande salle Ovale, devient ainsi le hall d’entrée du pôle public du site Richelieu.
En introduisant ce nouveau sens de circulation, le projet bouscule les aménagements d’un îlot où, pendant trois cents ans, tout partait de la cour d’honneur de la rue Richelieu. Ainsi du grand escalier dessiné par Jean-Louis Pascal, élève de Labrouste et architecte de la salle Ovale, qui emmenait les lecteurs jusqu’aux salles du futur musée. Tournant le dos à la nouvelle entrée, cet escalier inscrit au titre des monuments historiques a été remplacé par un geste architectural d’acier et de verre, dont la courbure cite discrètement les arcs néoclassiques de Jean-Louis Pascal.
Bien que validé par le comité scientifique du projet, le retrait d’un élément protégé dans un chantier patrimonial suscite interrogations. Bruno Gaudin défend cette solution, comme il l’a « âprement » fait devant le comité scientifique : « C’est tout le sens du projet qui bascule avec cet événement », explique-t-il. La circulation verticale s’ouvre désormais en face du visiteur qui passe la porte côté jardin. L’aménagement de la salle Ovale, transformée en salle de lecture publique, a également provoqué quelques discussions. Le mobilier, conjuguant bois et acier en des formes anguleuses, introduit un esprit bien différent des volumes grandioses de la salle. Là aussi, cette transformation est en cohérence avec l’objectif d’ouverture au public : la majesté de la salle Ovale est légèrement éraflée – et de manière réversible – pour en faire une salle de bibliothèque publique.
Si la rénovation a délibérément retiré un peu de la solennité des lieux, elle a également allégé des espaces parfois encombrés, notamment par des interventions datant des années 1970. « Pendant trois cents ans, on a densifié les lieux. Nous avons voulu créer ce vide si précieux qui donne à voir les espaces », explique Bruno Gaudin. Et quels espaces ! Les futures salles du musée de la BNF recèlent des trésors patrimoniaux qui ont, à l’occasion de ce chantier, recouvré leur lustre. D’un vert bouteille oppressant, le cabinet du roi a retrouvé ses teintes crème originelles, et ses copies de Charles André van Loo restaurées, dont deux se sont finalement révélées être des tableaux originaux. Les fresques de la galerie Mazarin, signées Giovanni Francesco Romanelli, ont fait l’objet d’une restauration attentive de la part d’une équipe franco-italienne dirigée par Alix Laveau. Juste en dessous, la galerie Mansart redeviendra un espace d’exposition temporaire modulaire, où les commissaires devront composer avec un décor de stucs et peintures du XVIIe siècle. Ces espaces seront ouverts au public dès l’été 2022, lorsque prendra fin le chantier muséographique qui commence cet automne.
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Le quadrilatère Richelieu de la BNF s’ouvre enfin
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Abonnez-vous dès 1 €Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°576 du 29 octobre 2021, avec le titre suivant : Le quadrilatère Richelieu de la BNF s’ouvre enfin