Collection - Restauration

Un tableau rattrapé par son sujet

Par Isabelle Manca-Kunert · L'ŒIL

Le 19 mars 2025 - 431 mots

Le Musée de Picardie lance une campagne de mécénat participatif pour sauver un grand format emblématique de Gabriel Ferrier relégué dans les réserves depuis 107 ans.

Pionnier

Difficile de l’imaginer aujourd’hui, avec sa silhouette très classique de temple des arts, mais le Musée de Picardie a été en son temps un véritable pionnier. Il s’agit en effet du tout premier musée créé ex nihilo en France. Le palais a été érigé sous le Second Empire pour présenter les collections locales d’art et d’antiquités mais aussi les immenses peintures contemporaines qui triomphent alors. Son époustouflant Grand Salon a d’ailleurs été conçu spécialement pour accueillir ces gigantesques toiles.

Médaille d’or

Imaginé comme une succursale du Musée du Luxembourg, à l’époque Musée des artistes vivants, l’établissement se voit doté d’immenses œuvres d’art contemporain auréolées de succès au Salon officiel ou dans de grandes manifestations. C’est notamment le cas des Mères maudissent la guerre, vaste composition de Gabriel Ferrier (1847-1914) qui se distingue lors de l’Exposition Universelle de 1889 en décrochant la médaille d’or. Cette allégorie de la guerre de 1870 est immédiatement achetée par l’État et envoyée à Amiens.

Victime collatérale

Ironie du sort, ce tableau est rattrapé par son sujet puisqu’il est à son tour une victime de guerre. En mars 1918, Amiens est bombardé par l’armée allemande ; une bombe transperce le musée et détruit une dizaine de tableaux. De nombreuses autres toiles sont endommagées par les gravats et les intempéries. La collection doit être évacuée en urgence notamment les grands formats qui sont détachés de leur cadre et châssis, et transportés sur des rouleaux. Ils sont alors placés en réserves.

Double peine

Les œuvres martyres, ainsi que celles décrochées par précaution, seront remisées durant de très longues années. Longtemps, ces grandes machines académiques passées de mode ne seront pas la priorité du musée. Depuis quelques années, la tendance s’inverse mais le chantier est considérable puisqu’une cinquantaine de toiles monumentales attendent encore d’être restaurées. Déchiré par endroits et présentant des lacunes, le tableau de Gabriel Ferrier a ainsi sommeillé pendant 107 ans enroulé sur son tube.

Crowdfunding

Afin de sauver cette toile de 12 m2, et de sensibiliser le public à l’histoire de sa collection, le musée a lancé une campagne de mécénat participatif. Ce chantier d’un montant de 60 000 € prévoit de nettoyer le tableau dont le vernis est oxydé et encrassé, de rendre à la toile déformée par son enroulement sa planéité, de réparer les déchirures et combler les lacunes picturales. Ces opérations seront menées en public au sein du Grand Salon dont elle était jadis l’une des perles.

Thématiques

Cet article a été publié dans L'ŒIL n°784 du 1 avril 2025, avec le titre suivant : Un tableau rattrapé par son sujet

Tous les articles dans Patrimoine

Le Journal des Arts.fr

Inscription newsletter

Recevez quotidiennement l'essentiel de l'actualité de l'art et de son marché.

En kiosque

GESTION DES COOKIES