PARIS
Bénéficiaire d’un important chantier de rénovation, le Quadrilatère Richelieu à Paris, dépositaire d’une partie de l’histoire de France, rouvre quelques-unes de ses portes aux chercheurs et au public.
Moins connu du public que le site François-Mitterrand, Richelieu est pourtant le cœur battant de la Bibliothèque nationale de France depuis le Grand Siècle. En 1666, Colbert décide d’installer la Bibliothèque du roi dans ce quartier en plein essor, avec la volonté d’en faire la plus grande d’Europe. D’abord logées rue Vivienne, les collections déménagent au XVIIIe de l’autre côté de la rue, dans l’ancien palais de Mazarin. Commence alors un inéluctable mouvement d’expansion pour répondre aux besoins croissants d’espace et à l’augmentation du lectorat. La bibliothèque colonise progressivement les bâtiments alentour jusqu’à former un rectangle : le fameux Quadrilatère. Cet ensemble complexe, composé de multiples strates de styles et d’époques variés, est remanié à plusieurs reprises par de grands architectes de Robert de Cotte à Bruno Gaudin, en passant par Henri Labrouste. Le XIXe siècle marque en effet un moment crucial dans son évolution, car ses collections doublent pratiquement, sous l’effet conjugué des saisies révolutionnaires et de l’inflation éditoriale. Alors que le site menace ruine, Labrouste le repense en profondeur et construit, entre autres, l’extraordinaire salle qui porte son nom. Son successeur, Jean-Louis Pascal, laisse également son empreinte, notamment dans la superbe salle Ovale.
À partir des années 1930 s’ouvre l’ère de la densification. Face à l’accroissement exponentiel des fonds, on tente de dégager de l’espace partout où c’est possible par de nombreux creusements et surélévations. Une stratégie qui se poursuit jusque dans les années 1980 ; la perspective de la construction de la Très Grande Bibliothèque à Tolbiac permet enfin d’envisager une réorganisation de Richelieu. Les imprimés traversent la Seine tandis que les collections spécialisées sont redéployées et réservées aux chercheurs. Le Quadrilatère accueille par ailleurs de nouveaux occupants, dont la bibliothèque de l’Institut national d’histoire de l’art (INHA).
Richelieu entre dans le XXIe siècle
L’architecture spectaculaire et le succès populaire de Tolbiac ont ensuite un peu occulté Richelieu. Pourtant, avec ses 58 000 m2, elle demeure la deuxième bibliothèque de l’Hexagone. Elle est surtout l’écrin de collections inestimables : plus de 20 millions de documents appartenant aux prestigieux départements des Manuscrits, des Monnaies, médailles et antiques, des Estampes et de la Photographie, des Cartes et plans, de la Musique et des Arts du spectacle. « Les collections spécialisées sont celles qui font le plus rêver, confie Laurence Engel, présidente de la BnF. Elles rappellent l’inscription dans une profondeur historique assez inouïe de cet établissement qui remonte à Charles V. » Les conditions de conservation et d’accès de ces départements réclamaient une rénovation complète. C’est l’objectif du Projet Richelieu, un programme titanesque d’un montant de 230 millions d’euros et d’une durée de dix ans. « Il s’agit non seulement de rénover et de restaurer les bâtiments, mais aussi de moderniser les conditions d’accueil ; tout en restant ouvert pour ne pas pénaliser les chercheurs, résume Louis Jaubertie, adjoint au chef du Projet Richelieu. C’est pour cela que le site a été coupé dans la longueur et que le chantier a été phasé en deux ».
Outre l’ampleur des travaux, ce projet constitue aussi une petite révolution conceptuelle : la forteresse Richelieu s’ouvre enfin au grand public. Pour la première fois de son histoire, ce site qui s’est construit par des ajouts successifs a l’opportunité d’être repensé dans sa globalité. Une occasion inédite de réfléchir à la cohérence et à la vocation du lieu, tout en donnant à voir la richesse de ce meccano architectural. Cette volonté d’ouverture se matérialise dans la valorisation du bâtiment et de ses collections mais aussi dans son inscription urbaine. À la manière des passages parisiens, typiques du quartier de Richelieu, le site sera ouvert à tous. Si certains espaces demeureront dévolus aux chercheurs, d’autres seront accessibles librement ou en visites guidées.
Un campus pour les arts
Alors que la deuxième phase du chantier devrait prendre fin en 2020, la zone 1 vient de s’achever. Cette partie portait notamment sur la salle des Manuscrits, la Rotonde, sans oublier le joyau absolu : la salle Labrouste. Fermée depuis 1998, cette pépite de modernité et d’historicisme se révèle à nouveau dans toute sa splendeur et son inventivité. Le décor et le mobilier de ce temple de la connaissance ont en effet été imaginés par l’architecte ; des coupoles inspirées de Sainte-Sophie aux tables de travail avec appuie-pieds chauffants. Dédiée à la recherche, elle accueille désormais la bibliothèque de l’INHA. Accessible dans le cadre de visites guidées, elle matérialise surtout l’ambition scientifique du nouveau Quadrilatère : s’affirmer comme un pôle de référence pour les arts. « Trois institutions fondamentales pour l’histoire de l’art et le patrimoine sont rassemblées ici : la BnF, l’INHA et l’École nationale des chartes, rappelle Laurence Engel. Grâce à la réunion de ces trois fonds très complémentaires nous créons la bibliothèque d’histoire de l’art la plus importante à l’échelle mondiale. »
Le Musée des monnaies, médailles et antiques est mort : vive le Musée de la BnF ! Fondé au XVIIIe siècle, ce dernier était l’un des plus anciens de France. En 2020, il n’existera plus en tant qu’entité, mais sera refondu dans un musée plus vaste donnant à voir la pluralité des départements. « L’ancien musée ne représentait qu’une petite partie des collections et était, par ailleurs, assez peu identifié », résume Laurence Engel, présidente de la BnF. « Demain, il y aura un véritable musée qui rendra compte de toute cette histoire patrimoniale, intellectuelle et littéraire. » Le parcours d’environ 800 m2 se déploiera dans feu le cabinet des Monnaies, la rotonde des Arts du spectacle, mais aussi la galerie Mazarine dont les décors Grand Siècle vont être restaurés. Les visiteurs pourront, entre autres, y admirer les manuscrits de Victor Hugo, les carnets de dessins de Degas, et bien sûr des pièces phares comme le Grand Camée de France ou le trône de Dagobert. Parallèlement, le salon Louis XV, orné de peintures de Natoire et Boucher, sera restauré et accessible dans le cadre de visites guidées.
La Rotonde des Arts du spectacle
Coulisse jamais ouverte au public, la rotonde des Arts du spectacle constitue le premier jalon du parcours muséal. La salle a été rénovée et aménagée afin de pouvoir exposer les chefs-d’œuvre de ce département. Cet espace permet également de découvrir la galerie Auguste Rondel, un superbe magasin dessiné par Henri Labrouste dans le style Eiffel. L’installation d’une grande porte coupe-feu entièrement vitrée permet de voir le magasin sans y pénétrer afin de préserver ses très riches collections.
La Salle Ovale
Après la salle Labrouste, c’est l’autre espace iconique du Quadrilatère. Provisoirement occupée par la bibliothèque de l’Institut national d’histoire de l’art, cette magnifique salle redevient en 2020 un espace de lecture publique, mais aussi un lieu de médiation sur le site Richelieu et ses collections. Fermée pour travaux de mise aux normes et de restauration, elle fait l’objet, jusqu’au 31 décembre 2016, d’une souscription publique afin de financer la campagne portant sur son décor et son mobilier.
La Salle des Manuscrits
Logée dans l’aile Robert de Cotte, la salle des Manuscrits se distingue par son inspiration XVIIIe. Habillée de nobles rayonnages en chêne et de deux escaliers à vis délicatement ouvragés, elle a cependant été conçue par Jean-Louis Pascal en 1880, en plein revival du siècle des Lumières. Cet espace, qui permet de consulter de précieux manuscrits, est réservé aux chercheurs. Afin que le grand public puisse contempler cette belle salle tout juste restaurée, un sas vitré a été installé à l’entrée.
Le Salon d’honneur
Protégé au titre des Monuments historiques, le Salon d’honneur a été dessiné par Jean-Louis Pascal en 1882. Ses hauts murs sont ornés de lambris finement sculptés, mais son chef-d’œuvre est incontestablement le Voltaire assis de Houdon. Outre sa beauté, la célèbre sculpture en plâtre possède en effet une aura particulière puisque son piédestal en bois renferme le cœur du philosophe. Attenant au bureau du président de la bibliothèque, le salon est accessible au public au cours de visites guidées.
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Richelieu le cœur de nouveau battant de la BnF
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Cet article a été publié dans L'ŒIL n°697 du 1 janvier 2017, avec le titre suivant : Richelieu le cœur de nouveau battant de la BnF