“Dieu de l’architecture” pour ses zélateurs, François Mansart (1598-1666) bénéficie enfin une monographie en français reproduisant tous ses dessins. L’ouvrage brosse un portrait complet du premier architecte-artiste de l’art français, souvent plus proche des baroques italiens que des purs classiques.
Aux XVIIe et XVIIIe siècles, la renommée de François Mansart est à son zénith : “Avant lui la France avait eu peu d’architectes qui l’eussent ornée de plus beaux édifices et en plus grand nombre…”, écrivait Germain Brice (1684). Plus tard, Jacques-François Blondel, sectateur du classicisme à la française, s’enflamme à son tour en affirmant qu’“il est peut-être le seul parmi nous qui ait su réunir tous les talents qui caractérisent le véritable architecte”, avant de conclure que “Mansart est le Dieu de l’architecture”. Cette admiration semble parfaitement légitime mais, pour la comprendre, encore faut-il reconstituer le corpus de l’architecte, dénaturé par les siècles. Destructions, modifications intempestives, notamment dans la distribution et le décor intérieur, attributions erronées… le temps a brouillé son image. Cet ouvrage, première monographie en français à lui être consacrée, rend à Mansart ce qui lui appartient et, en s’appuyant sur ses nombreux dessins, les documents d’époque – plans, gravures – et les minutes notariales, dégage la part exacte de ses inventions dans les bâtiments conservés. Ironie de l’Histoire, “ses dessins ont été mieux conservés que ses bâtiments”, note Claude Mignot. Ils offrent donc un repère sans égal dans la reconstitution de son œuvre et la compréhension de son processus créateur. Le nombre exceptionnel de dessins, de variantes pour un même projet, brosse le portrait d’une imagination en mouvement perpétuel et d’un perfectionnisme jamais satisfait. Cette “abondance de belles pensées” fait de Mansart un architecte-artiste, sans doute le premier de l’art français. Mais cette fièvre créatrice devait jouer des tours à l’architecte, dont les tergiversations impatientaient ses commanditaires. Même avec ses plus prestigieux clients, il refusait de s’engager sur un parti définitif : à Blois, “les différences entre le devis signé et ce que nous voyons debout témoignent de l’importance des changements introduits en cours de chantier”. Ses dessins ont par ailleurs permis de déterminer dans quelle mesure ses successeurs sur les chantiers dont il a été évincé ont respecté son projet.
Le mythe Mansart
Les auteurs se sont efforcés de faire la part du mythe dans leur portrait. On a volontiers prêté à l’architecte des inventions qu’il n’a fait que reprendre, mais en les portant à un degré de perfection inégalé. Il n’est pas par exemple l’inventeur des combles brisés, auquel il a laissé son nom, mais leur a imprimé des profils originaux. Les escaliers ont été à juste titre l’autre gloire de Mansart qui, après Balleroy (1631), introduit l’escalier suspendu à Paris à l’hôtel de La Vrillière (l’actuelle Banque de France). Ces remarques sont formulées dans la première partie, qui s’attache à dégager les caractéristiques de l’architecture de Mansart, comme son usage virtuose des ornements sculptés en contrepoint des volumes – un trait attribué à sa double formation de sculpteur et d’architecte.
Les idées reçues associées à son nom ont certainement nui à la compréhension de son œuvre. L’épithète classique employée à tout propos masque les libertés incroyables prises avec les règles, ne craignant pas les “incongruités” ni les “traitements extraordinaires, où il s’affirme disciple de Philibert [de L’Orme] plus que des Anciens ou des règles communes.” Que l’on songe aux colonnes fuselées qui lui valurent quelques critiques. Les conclusions tirées de l’examen scrupuleux de son œuvre sont pour le moins surprenantes : Mansart “est le seul de sa génération à construire sur l’oblique et à disposer ses pilastres de biais comme Borromini, à jouer sur des lumières indirectes comme Bernin, à aimer les perspectives accélérées en entonnoir comme l’un et l’autre. Le parangon de l’architecture classique française est un baroque”, conclut Claude Mignot.
L’étude d’ensemble est complétée par un article monographique consacré à chaque réalisation ou projet ; l’ouvrage fait également le point sur les problèmes d’attribution.
Sous la direction de Jean-Pierre Babelon et Claude Mignot, François Mansart, le génie de l’architecture, Gallimard, 308 p., 210 ill. dont 90 coul., 290 F, ISBN 2-07-011592-5.
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François Mansart, architecte-artiste
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Abonnez-vous dès 1 €Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°64 du 8 juillet 1998, avec le titre suivant : Mansart, architecte-artiste