Le périmètre des sites administrés par le Centre des monuments nationaux avait singulièrement diminué entre 2004 et 2010. Mais en 2013, le Fort de Brégançon et surtout l’hôtel de la Marine lui ont été cédés. Confiant dans son savoir-faire et ses capacités d'autofinancement, son président se sent prêt à accueillir d’autres lieux.
PARIS - 96, 97, 98… Jusqu’où ira le nombre de sites gérés par le Centre des monuments nationaux (CMN) ? Hier encore pourtant, le périmètre du CMN était nettement en voie de réduction. La loi de 2004, faisant suite à la commission René Rémond, avait ouvert la voie au transfert de onze monuments vers les collectivités territoriales, et pas des moindres : les châteaux de Chaumont, du Haut-Koenigsbourg, les abbayes de Jumièges et de Silvacane. Dans un processus distinct, d’autres sites avaient quitté le giron du CMN, dont le domaine de Chambord devenu un établissement public autonome ou les Tuileries rattachées au Louvre. Au même moment cependant, l’État demandait à son opérateur de prendre en charge trois nouveaux sites : le château de Jossigny, le domaine de Rambouillet et la Villa Cavrois. Un chiffre insuffisant pour compenser les départs, de sorte que de 115 en 2003, le nombre de sites administrés est passé à 96 en 2012, avant une inattendue remontée en 2013 avec le Fort de Brégançon et surtout l’hôtel de la Marine. Tout en gardant sa vocation de lieu de villégiature présidentielle depuis 1968, la forteresse, peu aimée de ses rares occupants saisonniers, sera ouverte à la visite à partir de juin 2014.
L’hôtel de la Marine, lui, revient de loin et l’on s’étonne que son affectation au CMN, pourtant de bon sens, n’intervienne que maintenant. Il a d’abord dû repousser les assauts de l’homme d’affaires Alexandre Allard qui, soutenu par de nombreux poids lourds de l’art et de son marché (Pierre Bergé, Pierre Cornette de Saint Cyr, Nathalie Obadia, Jean-Michel Othoniel, Jean-Pierre Raynaud, Emmanuel Perrotin…), voulait le privatiser avant que Nicolas Sarkozy décide en octobre 2011 de l’affecter au Musée du Louvre sur proposition de Valéry Giscard d’Estaing. Ce dernier qui avait sa petite idée sur le devenir du bâtiment des militaires, avait bien pris soin d’inviter à la Commission de réflexion, Isabelle Lemesle, la présidente d’alors du CMN, histoire d’écarter la solution CMN au nom de la transparence de la Commission. Avec le départ de cette dernière et l’arrivée d’Aurélie Filippetti Rue de Vallois, le dossier est de nouveau sur la table et après une petite année de discussion, François Hollande est revenu sur la décision de son prédécesseur. Une décision de bon sens donc, pour Philippe Bélaval qui souligne la complexité juridique du montage du Louvre et les normes de conservation muséales des objets plus contraignantes, donc plus coûteuses que celles d’un Monument historique. Dans les grandes lignes, les trois projets sont similaires : rendre à la visite les espaces ouverts sur la place de la Concorde et louer le reste, d’un moindre intérêt historique pour des bureaux, des commerces de luxe, des restaurants gastronomiques dans un quartier qui ne demande que cela. Un projet qui fait écho avec celui de la Monnaie de Paris.
Un modèle toujours dépendant de l’État
Joli coup de communication, pour le CMN et son président qui, dans la foulée, se voit confier un rapport sur le Panthéon (lire ci-dessous) et va de nouveau avoir les projecteurs braqués sur lui avec la performance/installation de JR toujours au Panthéon (lire ci-dessous). L’ancien directeur du Patrimoine au ministère a même réussi à enterrer le projet de Frédéric Mitterrand de transformer certains Monuments historiques en hôtels de tourisme. Une manière de faire oublier l’utilisation de l’argent public pour la promotion de la collection Pinault à la Conciergerie. Philippe Bélaval se sent pousser des ailes et plaide pour qu’on lui confie plus de monuments en danger comme la Villa Cavrois que l’État a acquise et confiée au CMN en 2009 pour que celui-ci la restaure et l’ouvre à la visite (prévue en 2015). D’autant que depuis 2010 le CMN dispose pleinement de la maîtrise d’ouvrage sur ses bâtiments.
Au ministère, on suit avec des sentiments partagés la consolidation du CMN. L’heure est très clairement à la reprise en main des grandes baronnies que sont les opérateurs culturels, Louvre en tête, et à la décentralisation ; un agenda qui cadre mal avec les ambitions de Philippe Bélaval. Pour autant, au cabinet d’Aurélie Filippetti, on assure que le patron du CMN « a toute la confiance » du ministère « dans la limite des possibilités financières du CMN ». Car si le CMN affiche avec fierté un taux d’autofinancement de son fonctionnement de 84 %, l’un des plus hauts des grands opérateurs culturels, cet équilibre est fragile. Comme l’avait bien rappelé le rapport de la sénatrice Françoise Férat en 2010, l’essentiel des recettes provient d’une poignée (6) de monuments bénéficiaires (Arc de Triomphe, Sainte-Chapelle, Abbaye du Mont-Saint-Michel…). Et si Philippe Bélaval se prépare à une baisse continue de la subvention de l’État pour charges de service public (qui passe en crédit de paiement de 8 millions d’euros en 2013 à 6 millions en 2014), le CMN ne pourra faire l’impasse sur les financements publics pour la restauration des monuments.
Pour 2014, les dotations en fonds propres s’élèvent à 18 millions d’euros, en baisse de 3 millions d’euros après la suppression du bénéfice d’une fraction de la taxe sur les jeux en ligne. Ces crédits d’investissement servent à la restauration de nombreux sites, Villa Cavrois, parc d’Azay-le-Rideau, château de Rambouillet… sans oublier le Panthéon dont les travaux sur dix ans, évalués 100 millions d’euros vont fortement solliciter les finances publiques. Le CMN fête cette année son centenaire, le compteur des sites administrés passera-t-il à 100 ? Rien n’est moins sûr.
En nommant quatre personnalités issues de la guerre dont deux femmes, à l’occasion d’un discours prononcé le 21 février au Mont-Valérien, François Hollande n’aura retenu qu’une partie des recommandations du rapport commandé à Philippe Bélaval sur « la place du Panthéon dans la promotion des principes de la République ». Il a suivi les pistes du président du CMN qui penchait fortement pour désigner des personnalités qui se sont illustrées par leur courage, mais n’a pas retenu sa proposition de ne choisir que des femmes.
Les résistants français Germaine Tillion, Pierre Brossolette et Geneviève de Gaulle et l’ancien ministre de l’Éducation nationale sous la IIIe République Jean Zay s’imposent naturellement. On retiendra que Germaine Tillion et Geneviève de Gaulle ont toutes deux appartenu au réseau de résistants du Musée de l’homme. La seconde a un temps été conseiller technique au cabinet du ministre de la Culture André Malraux. Elle figurait en deuxième position des noms proposés par les internautes dans la consultation organisée par Philippe Bélaval.
Les nouveaux « panthéonisés » rejoindront les 73 actuels, parmi lesquels figurent cinq écrivains, un architecte, et un unique peintre Joseph-Marie Vien. Le transfert des cendres aura lieu le 27 mai 2015.
En attendant (peut-être) d’entrer au Panthéon après leur disparition, tout un chacun pourra voir sa photographie exposée sur la bâche qui entoure actuellement le tambour du dôme ou à l’intérieur sur certaines parties du bâtiment. Plutôt que de vendre la bâche à un annonceur publicitaire comme cela se fait de plus en plus en ce moment à Paris, et qui d’ailleurs aurait été particulièrement inadapté à l’esprit du lieu, le CMN a demandé à l’artiste JR de décliner sa performance-installation le temps des travaux.
Les portraits seront collectés grâce au camion photographique de JR dans huit monuments nationaux (Basilique Saint-Denis, Cité de Carcassonne, Château d’Angers, Alignements de Carnac, Tours de La Rochelle, Palais du Tau à Reims, Villa Savoye à Poissy et naturellement au Panthéon) ou sur le site Internet www.au-pantheon.fr. Les photographies seront installées le 22 avril.
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Le CMN reprend un peu d'embonpoint
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Abonnez-vous dès 1 €Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°408 du 28 février 2014, avec le titre suivant : Le CMN reprend un peu d'embonpoint