En 1961, la première maison de la culture ouvre au Havre

Détruit par les bombardements en septembre 1944, le Musée des beaux-arts du Havre (Seine-Maritime) est à la Libération un champ de ruines. Si la collection de sculptures, restée sur place au cours du conflit, disparaît presque entièrement, les 1 500 tableaux qui ont été transférés en lieu sûr ont pu être sauvés. C’est dans ce contexte que, en 1951, la municipalité décide de la construction d’un nouveau bâtiment. Le projet débute en 1952 grâce aux efforts conjugués de Georges Salles, directeur des Musées de France, et de Reynold Arnould, artiste havrais nommé conservateur des musées de la Ville.

Dans l’esprit des deux hommes, il ne s’agit pas seulement de rendre un cadre aux collections en remplaçant un bâtiment par un autre, mais également de mener une réflexion sur la fonction du musée, son concept artistique, sa muséographie. Ils souhaitent rompre avec le modèle du musée traditionnel en créant « un foyer d’art, d’éducation, de culture ». Avant même qu’il soit envisagé d’adjoindre au musée la fonction de maison de la culture, l’objectif est de constituer un lieu de rencontre et d’éducation artistique. Reynold Arnould, futur directeur, élabore un concept muséographique nouveau fondé sur la polyvalence des fonctions. Pour cela, il est conseillé par le muséologue Georges Henri Rivière. Surnommé le « magicien des vitrines », ce dernier promeut une approche muséographique nouvelle fondée sur la pluridisciplinarité et l’environnement, à l’origine du concept d’« écomusée ». Le musée doit ainsi comprendre non seulement les éléments nécessaires à la mise en valeur des collections, mais aussi les aménités propres à un centre culturel polyvalent, auquel il est prévu de vouer 50 % des surfaces.

Ambitieux et visionnaire, le lieu est conçu pour organiser des conférences, des projections cinématographiques, des concerts, et nécessite par conséquent de multiplier les espaces : lieux d’exposition, ateliers, réserves, cafétéria, photothèque, discothèque, bibliothèque. La conception est confiée à Guy Lagneau, architecte dissident de l’atelier d’Auguste Perret. Pour ce nouveau musée, qui prend désormais place à l’articulation du front de mer sud, les architectes imaginent, en harmonie avec l’environnement maritime, un espace modulaire comportant des cloisons mobiles, selon des principes de transparence et de flexibilité. Précédé par la sculpture monumentale d’Henri-Georges Adam Le Signal, le bâtiment, cube de verre, d’acier et d’aluminium s’impose comme un manifeste de l’architecture moderne et minimaliste.

Reste la part de rencontre avec le projet porté par le nouveau ministre des Affaires culturelles, André Malraux. En 1960, alors que vient d’échouer le projet ministériel d’implantation d’une maison de la culture à Béthune (Pas-de-Calais), le maire du Havre, Robert Monguillon, soucieux de boucler le financement de la dernière tranche de travaux du nouveau musée, se tourne vers le ministère. L’occasion est saisie : faire du musée en cours de construction une institution culturelle novatrice, la toute première maison de la culture. Le 24 juin 1961, André Malraux inaugure le nouveau musée devant un parterre d’officiels. Lyrique, il affirme : « Il n’y a pas une maison comme celle-ci au monde, ni au Brésil, ni en Russie, ni aux États-Unis. Souvenez-vous, Havrais, de ce jour et sachez bien que l’on dira que c’est ici que tout a commencé. » Le rêve de Malraux est en marche. Il ne s’arrêtera plus.