Archéologie - Préhistoire

Découverte des plus anciennes gravures néandertaliennes

Par Louise Wagon · lejournaldesarts.fr

Le 30 juin 2023 - 627 mots

LA ROCHE-COTARD

Ces gravures pariétales, datant de 75 000 ans, ont été mises au jour dans une grotte en Indre-et-Loire.

Gravures néandertaliennes découvertes dans la grotte de la Roche-Cotard à Langeais. © journals.plos.org
Gravures néandertaliennes découvertes dans la grotte de la Roche-Cotard à Langeais.

Dans une étude publiée dans la revue PLOS One, le 21 juin 2023, des chercheurs français, dirigés par Jean-Claude Marquet, ont indiqué avoir découvert des gravures réalisées par l’Homme de Néandertal, vieilles de 75 000 ans, dans la grotte de la Roche-Cotard, en Indre-et-Loire. Cela en fait la plus ancienne grotte ornée de France, sinon d’Europe.

Mise au jour en 1846 lors de la construction de la voie ferrée Nantes-Tours, la grotte de la Roche-Cotard est restée inaccessible jusqu’en 1912, date à laquelle le propriétaire du terrain en a dégagé l’entrée colmatée. En 1976, Jean-Claude Marquet, alors à l’Université de Dijon, y entame les premières fouilles, mais ce n’est qu’en 2008 que reprend véritablement le travail de recherche permettant d’analyser, contextualiser et dater les gravures. En 2015, les fouilles entrent dans en projet de recherche international, tandis que la grotte est classée monument historique en 2021. 

« Ces gravures sont dans la troisième salle de la grotte, qui est très petite. Elle ne mesure que 33 mètres de long, et, est largement ouverte à l’extérieur depuis qu’elle a été fouillée en 1912 », précise Jean-Claude Marquet, désormais chercheur associé au Laboratoire Archéologie et Territoires (CNRS) de l’Université de Tours. Les gravures sont localisées sur une paroi d’une douzaine de mètres de longueur, couverte, dans sa partie supérieure, d’un mince film d’altération. 

Elles ont été réalisées sur la surface du tuffeau avec les doigts. Les chercheurs ont effectué une analyse de traçage et utilisé la photogrammétrie pour créer des modèles 3D de ces marquages et les comparer avec des marques humaines connues et expérimentales. Sur la base de la forme et de la disposition de ces gravures, l’équipe a conclu qu’il s’agissait de formes délibérées, organisées et intentionnelles créées par des mains humaines. 

Ces mêmes études, combinées à l’analyse des traces d’altération et des différences colorimétriques, ont permis d’écarter la possibilité que ces tracés aient pu être réalisés après l’ouverture de la cavité en 1912. Les gravures sont donc bien antérieures au XXe siècle. 

Gravures néandertaliennes découvertes dans la grotte de la Roche-Cotard à Langeais. © journals.plos.org
Gravures néandertaliennes découvertes dans la grotte de la Roche-Cotard à Langeais.

L’étude des sols a montré que la grotte a été inondée à plusieurs reprises par Loire, au cours des millénaires. Des limons ont envahi la cavité, recouvert des couches archéologiques contenant des outils néandertaliens – découverts en 1912 – et colmaté l’entrée de la grotte. 

Grâce à la stratigraphie, les chercheurs ont conclu que ces gravures remontent « vraisemblablement » à 75 000 ans, tandis qu’une datation par luminescence stimulée optiquement a permis de conclure que la grotte a été condamnée, il y a environ 57 000 ans, soit bien avant que l’Homo sapiens ne s’établisse dans la région. Ceci, combiné au fait que les outils en pierre dans la grotte ne sont que des moustériens, une technique associée aux Néandertaliens, est une preuve que ces gravures sont l’œuvre de cette espèce

Après la découverte d’une peinture attribuée à l’Homme de Néandertal, découverte dans la grotte d’Ardales, dans le sud de l’Espagne, ces découvertes positionnent de nouveau Néandertal comme le possible pionnier de l’art rupestre. Toutefois, si ces représentations de la Roche-Cotard pourraient être de l’art ou une expression d’une pensée symbolique, les chercheurs sont extrêmement prudents quant à la signification de ces gravures. Jacques Jaubert, professeur de préhistoire à l’Université de Bordeaux et archéologue, précise qu’on « ne peut pas affirmer que ces manifestations graphiques sont vraiment symboliques, ça peut être des décomptes ». Éric Robert, spécialiste de l’art rupestre préhistorique et maître de conférences au Muséum national d’Histoire naturelle (MNHN) ajoute que « cette connotation du terme "Art" est vraiment très forte et souvent elle amène à trop de mauvais procès ou de mauvais jugements. Il faut savoir apprécier déjà, tout simplement, ce que nous ont révélé ces incroyables parois de la Roche-Cotard »

Gravures néandertaliennes découvertes dans la grotte de la Roche-Cotard à Langeais. © journals.plos.org
Gravures néandertaliennes découvertes dans la grotte de la Roche-Cotard à Langeais.

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