PARIS
Le Musée de l’Homme présente comme des œuvres d’art les reproductions dessinées des peintures et gravures préhistoriques du XXe siècle.
Paris. Lorsque les préhistoriens Leo Frobenius, Henri Lhote ou Gérard Bailloud traversent le monde au début du XXe siècle pour relever les œuvres pariétales de nos lointains ancêtres, le but affiché de leurs expéditions est scientifique : les copies de ces traces multimillénaires contiennent autant de réponses que de questions sur un champ de l’histoire encore peu connu. Mais dès la première salle de l’exposition « Préhistomania » – qui présente les collections de relevés du Musée de l’Homme et de l’Institut Frobenius –, le visiteur aura bien du mal à qualifier ce qu’il voit de simple document scientifique. Des grandes toiles tendues dans une pénombre protectrice émergent un défilé de figures humaines et animales dont la valeur artistique apparaît ici indéniable.
L’exposition du Musée de l’Homme suit avec cette exposition le mouvement de patrimonialisation de ces relevés qui tombaient peu à peu dans l’oubli : ceux de l’Institut Frobenius ont été conservés sans considération jusqu’aux années 2010, où une campagne de restauration les a remis dans la lumière. En tant qu’outil scientifique, ces grands dessins réalisés à mains levé ou au calque, sont désormais obsolètes, à l’heure où les chercheurs travaillent avec des répliques numériques de grottes. Mais c’est la valeur artistique et historique de ces grands relevés qui attire désormais l’attention.
Au fil du parcours proposé par le musée du Trocadéro, le visiteur est à la fois invité à la contemplation et à une mise en perspective historique des conditions de réalisation des relevés, ainsi que du contexte intellectuel qui les accompagne. La première salle consiste en une plongée sans filtre, et avec un minimum d’explication, dans cette production. Passé le choc esthétique assumé de cette forêt de signes, l’histoire des sciences prend le relais, en présentant l’aventure scientifique et humaine de ces expéditions en Algérie, Zimbabwe, Papouasie, mais aussi dans le sud-ouest de la France. La tonalité de la scénographie est ici davantage celle d’un musée de Sciences, bien que la valorisation des très grands formats, comme celui de l’intrigant « Dieu Sefar » relevé par Henri Lhote en Algérie, fassent l’objet d’une attention particulière.
Sur la partie historique, l’exposition remet au centre les nombreuses figures féminines de cette aventure dominée par des noms masculins, et donne les clefs d’un recul critique sur les méthodes employées, comme celles très destructrices des œuvres originales d’Henri Lhote. L’évocation de l’impact des relevés sur les artistes et la culture visuelle des années 1930, à travers l’exposition du MoMA à New York en 1937 notamment, permet également de comprendre que l’enjeu des expéditions n’était pas purement scientifique. Grâce à cet aller-retour entre propos scientifique, historique et artistique, le parcours proposé par le Musée de l’Homme laisse une grande marge de liberté aux visiteurs dans leur appréciation de ce qui semble bien être devenu, aujourd’hui, des œuvres d’art.
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Les relevés pariétaux entrent dans l’histoire de l’art
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Abonnez-vous dès 1 €Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°626 du 2 février 2024, avec le titre suivant : Les relevés pariétaux entrent dans l’histoire de l’art