Environnement - Patrimoine

TRANSITION ÉCOLOGIQUE

Comment concilier patrimoine et transition écologique

Par Sindbad Hammache · Le Journal des Arts

Le 30 septembre 2024 - 821 mots

Le rapport ministériel « Les patrimoines et l’architecture dans la transition écologique » défend l’adaptation des normes environnementales aux spécificités du patrimoine.

Paris. Faisant suite à la publication en décembre 2023 du Guide d’orientation et d’inspiration pour la transition écologique commandé par l’ex-ministre Rima Abdul Malak, le ministère de la Culture dévoilait cet été le résultat de quatre ateliers menés par le Comité de la prospective et de l’innovation (CPI). Le rapport « Les patrimoines et l’architecture dans la transition écologique » issu de ces travaux formule des recommandations à l’adresse des professionnels du patrimoine portant sur quatre grandes thématiques : la formation à la transition écologique, la « conservation verte », l’énergie (principalement la rénovation énergétique) et le numérique. Dans ces préconisations, émerge le besoin d’adapter un certain nombre de normes, de réglementations et de pratiques pour réconcilier la préservation du patrimoine et l’urgence climatique.

La question du diagnostic de performance énergétique (DPE) occupe ainsi une bonne partie de ce rapport, tant cet indicateur de la consommation énergétique d’un logement cristallise les tensions entre patrimoine et transition écologique. Pour le CPI, le cadre réglementaire « penche aujourd’hui clairement du côté de l’amélioration thermique, ce qui fait peser une menace sur le patrimoine ». En cause, l’isolation thermique par l’extérieur (ITE), une solution privilégiée désormais dans les rénovations, qui engendre des dommages esthétiques et structurels sur le bâti ancien.

Former les diagnostiqueurs

Pour rétablir la balance, le rapport préconise une adaptation de la méthode DPE-3CL (méthode de calcul utilisée par les diagnostiqueurs) afin de prendre en compte les spécificités du bâti patrimonial. « Un effort de développement faible », estime le CPI : en effet, la plupart des critères permettant d’objectiver le confort d’été ou l’inertie des matériaux traditionnels existent déjà dans le logiciel des diagnostiqueurs. La formation de ces derniers aux enjeux patrimoniaux semble ainsi être un levier bien plus efficace que la création d’une méthode de calcul spécifique au patrimoine, qui irait à l’encontre de l’égalité de traitement exigée par la directive européenne sur la performance énergétique des bâtiments.

Il est également recommandé que les documents d’urbanisme intègrent les enjeux de la rénovation énergétique, à l’image du plan de sauvegarde et de mise en valeur d’Angers en cours de rédaction.

Si la partie consacrée au DPE reprend largement les recommandations du G7 Patrimoine et de la commission d’enquête menée sur le sujet (et notamment l’assouplissement de l’interdiction de location pour les logements anciens mal notés), elle ne mentionne pas celle formulée par le Conseil national de l’Ordre des architectes. Ce dernier souhaite voir les architectes devenir des acteurs de la rénovation énergétique, afin de développer des solutions climatiques sobres dans les bâtiments, comme la ventilation naturelle ou le jeu sur les expositions. Le document d’orientation préfère évoquer une autre profession, celle des « auditeurs énergétiques ».

Conserver les menuiseries anciennes

Très disert sur le cadre réglementaire, le rapport l’est un peu moins sur le frein majeur que représente le coût des rénovations énergétiques respectant le patrimoine, bien plus élevé qu’une isolation extérieure : tout juste indique-t-il que les interdictions d’un logement à la location devraient être assorties d’aides, dans ce qui ressemble à une solution de dernier recours. La cause des menuiseries anciennes, trop souvent remplacées par des doubles vitrages en PVC, est, elle, largement défendue dans ces recommandations, qui notent à juste titre qu’elles représentent rarement la source principale de déperdition énergétique. Le document omet en revanche de mentionner la question des ponts thermiques, ces points de faiblesse dans les maçonneries sources de déperdition énergétique. Ils sont bien plus présents dans le bâti ancien, un élément qui plaide là aussi pour une intervention des architectes dans la rénovation thermique.

S’agissant de la réutilisation des matériaux, le rapport liste aussi un certain nombre de réglementations à adapter afin de permettre le recyclage des matériaux patrimoniaux : le manque de certification sur ces matériaux et l’existence de freins dans le code général de la propriété des personnes publiques empêchent la généralisation du recyclage. Pour certains matériaux, comme le plomb, le CPI appelle à « gérer la contradiction » entre l’intérêt patrimonial et les problématiques environnementales : faut-il lire en creux un appel à des dérogations réglementaires pour un usage patrimonial ?

Autre objet d’attention, les pratiques de « conservation verte », comme la méthode Epico mise en œuvre de manière proactive au château de Versailles. Cette méthode privilégie le maintien des conditions « historiques » de conservation, plutôt qu’un contrôle de la température et de l’hygrométrie par des machines. Une approche bien plus sobre et qui a fait ses preuves en matière de conservation des biens mobiliers. Un atelier consacré au numérique formule quant à lui des recommandations très pratiques face au problème de l’inflation des données patrimoniales et de leur stockage. Enfin, la formation à la transition énergétique apparaît comme le premier défi du secteur patrimonial : dans les cursus universitaires actuels, les modules consacrés au sujet relèvent « plutôt de la sensibilisation que d’une réelle formation », est-il jugé dans les résultats de l’atelier portant sur cet enjeu majeur.

Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°639 du 20 septembre 2024, avec le titre suivant : Comment concilier patrimoine et transition écologique

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