Depuis plus de quinze ans, l’association COAL qu’elle a co-fondée avec un groupe d’amis promeut le rôle de la création dans la transition écologique.

France. « L’art a un rôle à jouer dans la transition écologique. » Ce constat, Lauranne Germond l’assène avec conviction, forte de ces années d’expérience dans le domaine. Cela fait près de vingt ans qu’elle œuvre pour promouvoir une nouvelle culture de l’écologie. Un engagement qui prend racine dans son association COAL, qu’elle a co-fondée en 2008. D’initiative pionnière, l’association s’est depuis imposée comme référence en la matière.
Avec COAL, Lauranne Germond multiplie les actions : expositions écologiques, promotion d’artistes engagés, programmes innovants… Rien ne la prédestinait pourtant à s’engager sur le plan écologique. « Cela n’allait pas forcément de soi pour une petite Parisienne, dont les parents n’étaient pas vraiment portés sur les questions environnementales. J’ai quand même hérité de mon grand-père un goût pour les plantes, pour le jardinage. C’est banal, mais cela fait partie des moments structurants de mon enfance. » Jeune adulte, son intérêt pour l’art s’affirme. Elle étudie l’art contemporain à l’École du Louvre, en parallèle d’une formation en géographie. Cette double appétence l’enjoint d’abord à envisager l’urbanisme, idée qu’elle abandonne bien vite. Et c’est après une expérience dans le mécénat culturel, dans lequel elle ne s’épanouissait pas outre mesure, que le déclic se fait : « Je commençais à travailler dans l’art, et je ressentais le besoin d’être portée par un engagement politique. » Une réalisation qui coïncide avec une rencontre, que Lauranne Germond se remémore avec affection : « Alors que j’étais en plein questionnement, j’ai fait la connaissance d’une directrice artistique, Jenny Mannerheim. Elle venait de créer le numéro zéro d’un magazine intitulé “NUKE, l’autoportrait d’une génération polluée”. » Convaincue par le projet, elle la rejoint pour monter le magazine et gérer la galerie associée, faisant dès cette époque la part belle aux artistes émergents et engagés. « Certains artistes qu’on exposait sont devenus par la suite très connus, comme Cyprien Gaillard ou Camille Henrot ! », se souvient-elle. Ajoutant, un brin nostalgique : « “NUKE”, c’était un beau moment. Mais au bout de quatre ans, je voulais me tourner vers le commissariat d’exposition et des projets de terrain. »
De cette envie est né COAL. Alors âgée de 32 ans, Lauranne Germond fonde l’association avec quelques amis et connaissances. « Dès le premier jour, j’ai investi 100 % de mon temps dans COAL. Nous étions une petite équipe, assez complémentaire. Je venais du monde de l’art, Loïc Fel de l’épistémologie, mes amis Agathe Utard et Clément Willemin étaient paysagistes… » Tous réunis autour d’une certitude, simple et pragmatique : la culture peut être un levier pour accélérer la prise de conscience écologique et la mise en œuvre de solutions concrètes. « Les artistes ont potentiellement une force transformatrice en eux, qu’il faut soutenir », défend-elle avec ferveur. Et de cette conviction bien ancrée, découle la première grande action de l’association : le lancement du Prix COAL. « Ce prix a, me semble-t-il, beaucoup contribué à fédérer la scène artistique de l’écologie, en identifiant les acteurs investis, en favorisant leur rencontre. » Depuis quinze ans maintenant, il récompense chaque année jusqu’à cinq projets artistiques sur le thème de l’environnement, sélectionnés parmi plusieurs centaines de candidatures que l’association reçoit d’artistes des quatre coins du monde.
« À l’époque, on avait pourtant lancé le projet avec trois francs six sous ! Un mois avant la remise du prix, nous n’avions toujours pas de financement, confie-t-elle. On était tous prêts à donner un peu de notre poche pour pouvoir récompenser le lauréat. » Mais cela ne s’est finalement pas avéré nécessaire. Dès ses débuts, COAL se structure vite : « Assez rapidement, on a reçu le soutien du ministère de l’Écologie, puis du ministère de la Culture. Notamment parce que notre action répondait à un manque, à une époque où la question environnementale commençait à se structurer dans le discours politique. Des structures similaires à la nôtre émergeaient un peu partout en Europe, mais c’était encore très nouveau. »
Dès lors, COAL diversifie ses actions. L’association assure le commissariat d’un parcours mêlant art et nature dans Paris pour l’année internationale de la Biodiversité, crée le premier centre de ressources en ligne dédié à l’art et l’écologie, prend la direction artistique du domaine départemental de Chamarande… « Parmi tous nos projets, celui d’ArtCOP21 a marqué un vrai tournant, pointe Lauranne Germond. C’était une action d’envergure, on a recensé plus de 500 événements culturels dans un agenda commun à l’occasion de la COP 21, et on a co-produit plus de 25 événements à Paris. C’était une manière de montrer que la culture s’implique, et qu’elle mérite d’être écoutée. »
Sous son patronage, COAL privilégie aussi les expositions, manifestations et projets qui sortent des cadres. C’est dans cet esprit que Lauranne Germond co-fonde le festival Les Nuits des forêts. « J’aime produire des événements sobres par principe, qui s’éloignent des expositions éco-conçues classiques. Il y a une force dans les pratiques les plus humbles, dans un spectacle en pleine forêt… C’est un champ qui mérite d’être bien plus exploré. » Un autre volet, plus technique, la passionne tout autant : réfléchir aux stratégies de transition écologique des politiques culturelles. « Structurer des actions, piloter des programmes de recherche, c’est aussi ce qui m’anime. » COAL multiplie donc les initiatives en ce sens, des projets au long cours en coopération avec les pouvoirs publics. Parmi les plus récents, figure le programme « Transformative Territories », dédié à l’émergence de lieux de pratiques artistiques transformatrices, que l’association pilote avec cinq partenaires européens. COAL œuvre également sur un nouveau projet : la création d’un référentiel biodiversité. Concrètement, la mise au point d’une feuille de route permettant aux structures d’évaluer leur impact sur la biodiversité avec des outils d’autodiagnostic, de stratégie et de formation. En réaction à une demande croissante, ces démarches fleurissent de plus en plus, ce dont Lauranne Germond se réjouit : « En quinze ans, l’évolution est spectaculaire. Il y a eu une réelle prise de conscience du monde de la culture. »
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Lauranne Germond, pionnière de l’écologie culturelle
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Abonnez-vous dès 1 €Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°648 du 31 janvier 2025, avec le titre suivant : Lauranne Germond, pionnière de l’écologie culturelle