Diplomatie d’influence. Ainsi donc, la France serait aux yeux des Américains les plus francophiles « un pays où il fait encore bon vivre, mais qui aurait perdu sa capacité à penser, dire et transformer le monde qui vient », selon un témoin attentif de l’image de la France aux États-Unis : le conseiller culturel à New York.
Réjouissons-nous de vivre dans un pays où il fait bon vivre, ce qui est au fond l’aspiration de tout un chacun, remercions les Américains qui viennent passer leurs vacances chez nous et saluons les exilés fiscaux à Londres ou à Bruxelles revenus temporairement en France pour profiter de son système de santé gratuit et de bon niveau.
Intéressons-nous ensuite à la deuxième partie de l’affirmation. Cette représentation est sans doute vraie aux États-Unis, mais la réalité qu’elle désigne ne l’est pas. De Bruno Latour et Cynthia Fleury, philosophes, à l’économiste Thomas Piketty en passant par notre chroniqueur Pascal Ory et beaucoup d’autres, l’école française – si tant est qu’il y ait encore des écoles de pensée par pays – reste l’une des plus fécondes au monde. Mais son handicap, son péché aux yeux des Américains, est que cette pensée est en langue française. De sorte qu’elle peine à sortir des colonnes du New York Times. Dans le même temps, Gaëtan Bruel [conseiller culturel à New York] nous confiait que le nombre de départements de langue française dans les universités américaines se réduisait et que les livres de littérature française avaient tendance à migrer des rayons de littérature générale aux étagères spécialisées.
Sans cesser de promouvoir notre culture et notre vision du monde (démocratie, laïcité, régulation, intégration, écologie) aux États-Unis, il est plus que jamais nécessaire de cultiver la francophonie. Il y a 300 millions de francophones dans le monde, principalement en Afrique, et, compte tenu de la démographie de ce continent, ce nombre devrait augmenter. Le monde anglo-saxon n’est plus l’alpha et l’oméga de la légitimation de la pensée. Avec la montée en puissance d’une Chine déterminée à imposer son modèle autoritaire, de l’Inde et des communautés hispaniques, le monde devient multipolaire. Dans ce contexte, et alors que le numérique permet de communiquer massivement vers chaque individu de la planète, nos penseurs devraient tourner davantage leur regard vers le sud et moins quêter l’approbation de leurs pairs américains.
L’accès à la totalité de l’article est réservé à nos abonné(e)s
La France et les États-Unis
Déjà abonné(e) ?
Se connecterPas encore abonné(e) ?
Avec notre offre sans engagement,
• Accédez à tous les contenus du site
• Soutenez une rédaction indépendante
• Recevez la newsletter quotidienne
Abonnez-vous dès 1 €Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°565 du 16 avril 2021, avec le titre suivant : La France et les États-Unis