La peinture du XVIIIe siècle n’attire plus les foules comme autrefois. Mais les paysages rallient encore les suffrages des nouveaux collectionneurs.
C'en est fini des pastorales doucereuses, des portraits d’inconnus emperruqués ou de jeunes filles minaudant. Les mignardises de la peinture du XVIIIe siècle ne font plus mouche. Le public s’est lassé du rococo digne des boîtes de chocolat. Ce rejet se ressent de manière brutale sur certains artistes comme Louis-Léopold Boilly, autrefois apprécié des Américains. Si ses scènes de genre se négociaient autour de 400 000 euros voilà vingt ans, elles stagnent dans les 100 000 euros aujourd’hui. De même, les trop nombreux portraits de Jean-Baptiste Greuze ne font pas toujours l’unanimité.
Le marché veut des noms
Mais tous les genres ne sont pas lotis à la même enseigne. « Les portraits classiques présentent des images convenues, il y a un côté vieux jeu qui ne dit plus grand-chose à la jeune génération et aux nouveaux acheteurs », observe Nicolas Joly, spécialiste de Sotheby’s. Ainsi, un portrait de George William Coventry par Jean-Baptiste Perronneau, portraitiste aussi reconnu que Quentin de La Tour au siècle des Lumières, a plafonné à 54 750 euros en 2008 chez Sotheby’s à Paris. Véritable morceau de bravoure, la peinture d’histoire est davantage recherchée pour sa force élégiaque. De tous les genres, le paysage est celui qui tire le mieux son épingle du jeu. Hubert Robert reste ainsi un abonné des ventes publiques. Cet artiste parfois virtuose fut aussi productif qu’inégal, d’où une gamme élastique de prix de 40 000 à 400 000 euros. De même, l’intérêt pour Joseph Vernet ne faiblit pas. Voulant flatter l’aura de la Marine française, qui enchaînait les défaites lors de la guerre de Sept Ans, le roi Louis XV lui commanda en 1753 des vues des ports français. Le gros de cette série est conservé au musée de la Marine.
Mais pour satisfaire la clientèle privée, Vernet a parallèlement produit des vues plus fantaisistes en captant la lumière à différentes périodes de la journée. En 2003, une paire de tableaux s’est adjugée pour 2,3 millions de livres sterling chez Sotheby’s. Quatre ans plus tard, un tableau estimé 400 000 euros s’est propulsé à 1,5 million d’euros chez Christie’s à Paris. L’envolée de Vernet a beaucoup reposé sur l’intervention des acheteurs russes, habitués à voir ses tableaux au musée de l’Ermitage. L’enthousiasme indéfectible pour ce peintre de la Marine a hissé vers le haut une armée d’épigones. « Un artiste comme La Croix de Marseille, qui s’inspire du style de Vernet et qui voilà vingt ans ne valait pas cher, s’échange aujourd’hui entre 30 000 et 100 000 euros », observe ainsi l’expert Chantal Mauduit. Les images fortes, même de petits maîtres, font mouche.
Le trio de tête XVIIIe
Mais surtout, trois figures de proue dominent le marché. François Boucher, Jean-Honoré Fragonard et Antoine Watteau n’ont pas vu leur étoile pâlir. Connu pour ses scènes pastorales et mythologiques, Boucher reste le peintre de la sensualité. En 2006, sa très lascive Vénus ensommeillée a atteint le record d’1,1 million d’euros.
Autre icône de la volupté libertine, Le Verrou de Fragonard s’était vendu pour 5,2 millions de livres sterling chez Christie’s. Peintre de Valenciennes fauché à l’âge de 37 ans, Watteau a produit à peine le temps d’une décennie. Inventeur d’un genre, les fêtes galantes, il a usé de l’iconographie des scènes champêtres et des kermesses flamandes, en y ajoutant un raffinement dans les attitudes, une part d’énigme et de poésie qui inspireront toute une génération de peintres, de Nicolas Lancret à Jean-Baptiste Pater. En 2008, Christie’s a engrangé à Londres le record de 12,4 millions de livres sterling pour La Surprise, une petite toile très inspirée par Rubens. Un sacré bond en avant par rapport au précédent pic de 2,4 millions de livres sterling généré par Le Conteur en décembre 2000 chez Christie’s à Londres.
Les tableaux en bon état de Watteau sont extrêmement rares. En juin 2007 chez Tajan à Paris, L’Accordée du village a ainsi dû se contenter de 402 252 euros. Agressée par des nettoyages abusifs, l’œuvre avait malheureusement été trop repeinte.
François Boucher (1703-1770)
Ses scènes sensuelles et virtuoses qui avaient subjugué Madame de Pompadour perdirent en faveur avec la montée du néo-classicisme.
Jean-Honoré Fragonard (1732-1806)
Élève de François Boucher, Fragonard a créé sa notoriété dans le genre leste et sensuel.
Hubert Robert (1733-1808)
Influencé par son séjour de onze ans à Rome, Hubert Robert s’est fait le spécialiste des scènes de ruines imaginaires ou réelles.
L’accès à la totalité de l’article est réservé à nos abonné(e)s
Peintures du XVIIIe, le retour au calme
Déjà abonné(e) ?
Se connecterPas encore abonné(e) ?
Avec notre offre sans engagement,
• Accédez à tous les contenus du site
• Soutenez une rédaction indépendante
• Recevez la newsletter quotidienne
Abonnez-vous dès 1 €Cet article a été publié dans L'ŒIL n°627 du 1 septembre 2010, avec le titre suivant : Peintures du XVIIIe, le retour au calme