Malgré les enquêtes de provenance qui ébranlent le marché, le jeune Salon consacré à l’archéologie s’étoffe.
Paris. La 2e édition du Salon Opus Ancient Arts dévolu aux antiquités grecques, romaines, égyptiennes, proche-orientales, islamiques et précolombiennes se tient fin septembre à la galerie Joseph – au lieu d’octobre comme en 2022. Un peu plus étoffée, la manifestation compte quinze exposants (au lieu de 9) dont dix étrangers. Parmi les nouveaux venus figurent la galerie parisienne Cybèle, Günter Puhze (Fribourg), Kallos Gallery (Londres) et Rhéa Gallery (Zurich). Cette augmentation du nombre d’exposants internationaux montre qu’il y a une place à prendre et peut-être encore plus depuis que le secteur a été déserté à la Brafa, à la suite des interventions du Service public fédéral belge Économie (SPF Économie) et d’Interpol en 2020, « qui avaient saisi des objets sans raison », raconte un ancien exposant.
Les nombreuses affaires en cours concernant des pièces à la provenance douteuse – Louvre Abu Dhabi, mise en examen de l’expert Christophe Kunicki… – ont refroidi le marché. « Ce qui a vraiment changé, c’est le besoin des clients d’être davantage rassurés. Ils désirent plus d’informations sur les provenances et n’achètent plus sur un coup de tête », souligne Ludovic Marock (Plektron Fine Arts, Zurich), qui vient avec des pièces allant jusqu’à 50 000 euros. Il se dit toutefois très mécontent de la situation : « Toutes ces affaires, ces articles de presse non fondés, cela m’inquiète beaucoup. S’il y a une perte de confiance des clients, ils ne reviendront plus ! » Et il n’y a pas que les clients qui sont méfiants, « les musées aussi sont très frileux, encore plus depuis l’affaire du Louvre », note Jean-Pierre Montesino (Cybèle) qui confirme, comme les autres marchands, ne pas acheter « si la provenance n’est pas béton ». Désormais, les acheteurs, particuliers ou professionnels, ne se contentent plus de la seule mention « ancienne collection belge » ou « française ». « Les objets sans provenance, nous les stockons en attendant des jours meilleurs », confie un acteur du marché.
Le marché s’établissant essentiellement à New York et à Londres, Sotheby’s et Christie’s ne semblent pas avoir été touchées : la première a même relancé ses vacations quand la seconde a conservé ses quatre sessions annuelles. « Pour les œuvres antiques de provenance exceptionnelle, le marché reste soutenu, mais il y a plus de contrôles sur la provenance qu’il y a vingt ans », confirme Claudio Corsi, chef du département des antiquités chez Christie’s Londres. En France, c’est un peu différent : « Depuis les affaires, il y a un peu moins d’objets qui arrivent sur le marché, donc un peu moins de ventes car les experts sont sur la défensive. Nous travaillons surtout avec des objets provenant de successions – des collections faites avant, dans les années 1970 ou 1980, des pièces qui ont le moins de chance d’être problématiques », explique Marie-Margaux Cohen, experte pour plusieurs maisons de ventes, telles qu’Ader ou Tessier & Sarrou.
En présence de pièces bien documentées, publiées, « il n’a pas d’effondrement des prix, au contraire », souligne Ludovic Marock. « Ils peuvent même être de 50 à 100 % plus élevés. Un torse antique valant 100 000 euros sans documentation en vaut 200 000, s’il est assorti d’une facture de 1910 », rapporte Marie-Margaux Cohen. Le 12 juillet, une tête d’Antinoüs, très publiée, estimée entre 8 000 et 10 000 euros chez Gorny & Mosch (Munich) a été adjugée 60 000 euros. « Je ne l’ai pas eue car je m’étais fixé 30 000 euros pour limite », conclut Jean-Pierre Montesino, qui présentera lors du Salon un masque funéraire égyptien (vers 1069-664 av. J.-C.), provenant de la galerie Orient-Occident (30 000 €).
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Opus ancient arts, face à la défiance des acheteurs
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Abonnez-vous dès 1 €Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°616 du 8 septembre 2023, avec le titre suivant : Opus ancient arts, face à la défiance des acheteurs