Après le plongeon de l’an dernier, galeristes et maisons de ventes doivent maintenant affronter la guerre tarifaire décrétée par Donald Trump.

Monde. On savait que le marché de l’art mondial n’avait pas été au mieux de sa forme en 2024. Le rapport annuel rédigé par Clare McAndrew (Arts Economics) a donné la mesure d’un recul plus important que prévu : – 12 %. Les mêmes causes (la situation géopolitique dans le monde) produisant les mêmes effets (la frilosité des collectionneurs), l’année 2025 ne se présente pas sous les meilleurs auspices.
C’est même pire avec la guerre tarifaire allumée par Donald Trump le 2 avril. Le président des États-Unis a décrété une hausse générale des droits de douane de 10 % applicable dès le 5 avril, et des tarifs « réciproques », pays par pays, à compter du 9 avril. C’est ainsi que les produits et services exportés par les pays de l’Union européenne doivent nouvellement supporter des droits de douane de 20 %.
Le milieu de l’art s’est réveillé quelque peu abasourdi, ne sachant pas quel sort sera réservé aux objets d’art qui, jusqu’alors, entraient aux États-Unis sans droits de douane. Les Chinois, eux, ne sont pas complètement ignorants, car leurs objets d’art importés aux États-Unis supportent déjà des taxes de 7,5 %. En théorie, les objets d’art relèvent d’une liste que le président ne peut ignorer et qui les exempte de droits de douane. Mais outre que cette liste est parfois ambiguë, comme c’est le cas pour le mobilier, Trump peut supprimer cette exemption jusqu’à ce qu’un juge fédéral l’oblige à revenir sur cette décision, ou bien il peut passer par le Congrès.
Édouard Gouin, le patron du transporteur Convelio, a été le premier à sensibiliser le marché sur ces droits de douane ; il pense que ces précisions seront très vite publiées sur le site de l’U.S. Customs and Border Protection (CBP, Service des douanes et de la protection des frontières des États-Unis). On devrait savoir aussi très prochainement si les importations temporaires pour une exposition ou une foire bénéficient de cette dispense de droit sous le régime du Temporary Importation under Bond (TIB).
Si d’aventure des droits de douane étaient appliqués, se poserait alors la question de l’origine des œuvres, comme le souligne le professeur Lukasz Stankiewicz (et auteur du dossier annuel sur la fiscalité du marché de l’art publié dans Le Journal des Arts). Selon l’universitaire, c’est le lieu de production des œuvres et non le lieu d’exportation qui compte. Ainsi, une œuvre réalisée en Chine et exportée de France supporterait les droits chinois (35 %) et non les droits européens (20 %). On imagine les complexités administratives et les contentieux engendrés par cette règle.

Sans compter que, en principe, l’assiette des taxes sur les importations comprend le prix de l’œuvre augmenté des droits de douane, ce qui renchérit d’autant le montant des taxes. À cet égard, on relève que si les États-Unis n’imposent pas de taxe à l’importation sur les œuvres d’art, ce n’est pas le cas de la France qui applique un taux de 5,5 %.
Les sommes en jeu ne sont pas nulles. La France est le premier exportateur d’objets d’art aux États-Unis avec un montant qui a dépassé le milliard de dollars en 2022 (voir tableau). Et les États-Unis sont pour la France le premier pays d’importation avec une part autour de 40 %. De nombreux collectionneurs américains viennent faire leurs emplettes en France. « Le dollar et le pouvoir d’achat des Américains sont très élevés par rapport à l’euro et à nos prix, rappelle le commissaire-priseur David Nordmann (Ader). C’est moins cher pour eux d’acheter en France. » D’autant qu’avec les services proposés aujourd’hui en ligne, il est non seulement très facile de s’informer sur les ventes à venir mais aussi d’enchérir. À ce flux d’acheteurs finaux viennent s’ajouter les marchands états-uniens qui importent (à bon prix) du mobilier d’époque ou des tableaux anciens (malheureusement nettement moins d’œuvres d’artistes contemporains) pour les revendre ensuite.
Même en supposant qu’il n’y ait pas de droits de douane, le marché de l’art sera très affecté par la tempête qui secoue actuellement les Bourses du monde entier et diminue leurs avoirs financiers. À cette heure, l’incertitude règne et les milieux d’affaires ne peuvent anticiper le point d’arrivée du chaos généré par la guerre tarifaire. C’est encore moins le moment d’acheter de l’art. La volatilité d’un Donald Trump gonflé d’hubris ne permet aucun plan à court, moyen ou long terme, ce que le « business » déteste au plus haut point.
Deux scénarios de sortie de crise prévalent aujourd’hui : Trump revient sur ses augmentations dans quelques mois sous la pression de ses électeurs et des milieux d’affaires, ou l’Union européenne négocie avec son administration et lâche en faisant quelques concessions, par exemple sur les droits numériques, comme le réclament les Gafam. Dans ce cas, ce serait les artistes-auteurs qui paieraient l’addition. Mais dans tous les cas, c’est la fin de la « mondialisation heureuse ».
Exportation d'objets d'art vers les États-Unis | ||||
Année | 2020 | 2021 | 2022 | 2023 |
MONTANT (M$) | 440 | 652 | 1 110 | 793 |
% DU TOTAL EXPORTÉ | 40 % | 36 % | 45 % | 30 % |
Source : ministère de la Culture. Onu via OEC |
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Nouvel avis de tempête sur le marché de l’art
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Abonnez-vous dès 1 €Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°653 du 11 avril 2025, avec le titre suivant : Nouvel avis de tempête sur le marché de l’art