WASHINGTON / ÉTATS-UNIS
Le marché de l’art semble épargné par les nouveaux droits, mais des incertitudes subsistent quant à la définition d’une œuvre.

Le 2 avril, le président Donald Trump a dévoilé la nouvelle politique douanière des États-Unis, concrétisant des convictions qu’il affichait depuis des décennies. En rompant avec 80 ans de politique commerciale fondée sur le libre-échange, il a fait entrer le monde dans une ère de chaos, comme en témoigne la réaction des bourses mondiales.
En substance, les États-Unis appliquent depuis le 5 avril des droits de douane de 10 % à l’encontre de tous les pays et appliqueront, le 9 avril, un droit de douane dit « réciproque » et « individualisé » à l’encontre d’une longue liste de pays, qui s’ajoutera à ce taux plancher. Pour les marchandises de l’Union européenne, le cumul des deux engendrera un droit total de 20 %, et de 34 % pour la Chine.
Dits « réciproques », ces droits sont calculés de manière purement arbitraire, non en fonction des barrières douanières des autres pays, mais en fonction du déficit commercial que les États-Unis accusent avec la zone concernée. En outre, l’administration américaine brandit un argument fallacieux, tiré de l’existence de la TVA à l’importation dans d’autres pays, notamment européens, en méconnaissant le fonctionnement même de ce mécanisme, qui frappe uniformément toutes les opérations, y compris internes. Elle oublie par ailleurs que les États américains disposent eux aussi de taxes sur les ventes ou l’usage, qui produisent un effet comparable d’un point de vue économique.
Cela étant dit, le marché de l’art semble – sous réserve – préservé, du moins pour l’instant. Cela tiendrait non à une volonté de protéger les intérêts du marché américain, mais à la complexité de la base légale retenue pour établir ce nouveau tarif. En effet, ce dernier a été établi par l’équivalent d’un décret présidentiel et non par une loi. Pour l’adopter, le président Trump a invoqué une « urgence nationale » au sens d’une loi de 1977 (International Emergency Economic Powers Act).
Or, ce texte interdit au président de toucher, par décret, à une liste de produits (énumérée au 50 USC, art. 1702(b)) comprenant les publications, les films ou encore les artworks, c’est-à-dire les œuvres d’art. Il reste à savoir quelles positions douanières seront couvertes par le terme « œuvre d’art » au sens de ce texte. Les objets d’antiquité ou de design pourraient ne pas être inclus dans cette tolérance.
Par ailleurs, il n’est pas exclu que certains pays, en riposte, assujettissent – peut-être par inadvertance – les œuvres d’art d’origine américaine aux droits de douane. Cela semble déjà être le cas au Canada.
Jusqu’à présent, un consensus international prévalait sur l’exonération des œuvres d’art – y compris les antiquités – des droits de douane. Une entorse à cette règle a toutefois été introduite lors de la première administration Trump, qui n’a pas exclu les œuvres d’art du tarif de 15 % appliqué aux produits chinois (taux ensuite ramené à 7,5 %).
Cet épisode a mis en lumière la logique douanière, fondée non sur la provenance, mais sur l’origine. Si les États-Unis appliquaient finalement des droits aux œuvres d’art, le taux s’appliquerait aux œuvres produites sur le territoire de l’Union, qu’elles soient expédiées de France ou du Brésil. Ainsi, si un marchand français vend une œuvre produite en Chine mais expédiée depuis la France, le droit de douane américain s’élèverait logiquement à 34 % (si ce taux était maintenu). Dans ce climat incertain, une vigilance accrue sur l’origine des objets s’impose, car c’est elle qui déterminera le taux applicable.
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Droits de douane américains : les œuvres d’art en sursis
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