Ventes aux enchères

MAISON DE VENTES

Millon se reconstruit à Bruxelles

Par Jean-Christophe Castelain · Le Journal des Arts

Le 16 octobre 2024 - 719 mots

Après avoir « divorcé » d’avec son ancien associé, Alexandre Millon se réinstalle en Belgique, confirmant sa stratégie internationale.

Paris, Bruxelles. Alexandre Millon veut faire honneur à son prénom et entend conquérir l’Europe. Cet été, il a pris le contrôle de l’une des trois plus importantes maisons de ventes en Italie, Il Ponte Casa d’Aste. Basée à Milan, celle-ci réalise un chiffre d’affaires de près de 30 millions d’euros et dégage un résultat largement bénéficiaire. « Il n’y a pas de porosité entre les deux marchés », explique-t-il, escomptant ainsi disperser les lots français ou italiens dans le « meilleur écrin », que ce soit à Paris ou à Milan. Et la contrainte des « 50 ans » en Italie (il faut demander une licence d’exportation pour toute œuvre d’art de plus de 50 ans) n’est pas un obstacle pour vendre en France ses deux points forts que sont la bijouterie et l’art moderne et contemporain. Il a financé cette acquisition (7 M€) par un emprunt « qu’il a obtenu sans problème » et sur ses fonds propres, très confortables. Millon a dégagé un résultat d’exploitation de près de 2,8 millions d’euros en 2023 et un bénéfice de 2 millions d’euros.

Millon Benelux, nouvelle entité

Millon n’a pas eu besoin d’emprunter pour se réinstaller en Belgique. Associé depuis 2017 avec Arnaud de Partz, celui-ci lui a racheté ses parts en début d’année pour créer « AZ Auction ». Millon a récupéré son nom et a recréé une structure avec salle des ventes, installée à Bruxelles dans le quartier des Sablons et animée par une équipe expérimentée. Millon Benelux est maintenant gérée par Édouard Culot, qui a longtemps travaillé en France aux côtés d’Alexandre Millon, et de sa femme, Clémence Culot. La nouvelle entité pense retrouver très vite son chiffre d’affaires de 6 millions d’euros d’avant-Covid grâce à la BD et à l’art asiatique. Entre la France, l’Italie, la Belgique et le Vietnam où l’opérateur a une antenne, Millon vise un produit d’adjudication total annuel de 130 millions d’euros.

Spécialisation multiple, logistique et « sourcing » par Internet

Mais la France reste le vaisseau amiral de « MAG » (Millon Auction Group). Son directeur s’appuie sur trois piliers pour rester dans le peloton de tête des opérateurs de l’Hexagone. Deux sont historiques et complémentaires : la spécialisation multiple et la logistique. La spécialisation multiple : il s’agit de proposer une offre globale aux vendeurs qui pourrait se résumer ainsi : « Je vous prends votre tableau de maître mais aussi cette vieille commode que Christie’s et Sotheby’s ne veulent pas vendre. » Logistique : Millon dispose de ses propres entrepôts de garde-meubles et de transport.

Le troisième pilier est plus récent mais tout aussi stratégique, il s’agit du sourcing (« approvisionnement »)par Internet. Millon a racheté en 2022 le site France-Estimations qui permet à tout un chacun de demander une estimation pour un objet d’art et, le cas échéant, de le mettre en vente… via Millon. Le commissaire-priseur indique que ce sourcing numérique lui rapporte près de 5 millions d’euros de produit d’adjudication par an (soit 6 % de ses ventes). Fort de ce succès, il va relancer le site Artprecium, créé il y a quelques années et qui fonctionne sur le même principe.

Malgré ses résultats et sa 5e place dans le marché français des ventes aux enchères d’objets d’art et de collection, Millon ne pèse que 3 %. La France présente une singularité héritée de son histoire : ce marché est très fragmenté. Pas moins de 373 opérateurs se répartissent un chiffre d’affaires de 1,9 milliard d’euros. Sotheby’s, pourtant le premier opérateur en 2023, ne détient que 15 % du marché. Quoi qu’on en dise, une concentration est inévitable. Aucun commerce de détail n’échappe à l’émergence d’acteurs dominants : Carrefour, Auchan dans la grande distribution, Sephora dans la parfumerie, Krys dans l’optique… Dans un autre registre, même les laboratoires biologiques, une profession longtemps éclatée en une multiplicité d’indépendants, est aujourd’hui aux mains de puissants groupes (trois acteurs détiennent 40 % du marché). Les investissements dans le numérique (outils CRM, algorithmes de recommandations…), le sourcing et la communication vont devenir de plus en plus coûteux. Ce n’est pas un hasard si Bonhams a racheté Cornette de Saint Cyr (avec lequel Millon a un temps été associé). Alexandre Millon n’élude pas la question tout en restant évasif : il aimerait bien racheter des études de province, sous réserve cependant qu’elles présentent une situation saine.

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Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°641 du 18 octobre 2024, avec le titre suivant : Millon se reconstruit à Bruxelles

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