Figure majeure de la création française des Trente Glorieuses, le designer a consacré toute sa vie au luminaire.
À l’occasion de la sortie de l’ouvrage de Pascal Cuisinier, Robert Mathieu. Luminaire rationnel, faisant office de catalogue raisonné de l’œuvre du designer français, l’occasion est donnée d’étudier d’un peu plus près ce créateur singulier. Il n’a réalisé que du luminaire, mais de manière acharnée puisqu’il aurait créé plus de 240 modèles, tous d’une grande modernité et originalité, doublées d’une grande variété de formes. Ce véritable « génie de la lampe » a su développer une esthétique joyeuse, ludique et gaie, ainsi qu’une qualité d’éclairage ultra-sophistiquée.
Né en 1922 à Paris dans un milieu modeste, il suit une formation de tourneur sur bronze à l’École Boulle, avant de s’établir comme bronzier en 1948. Réalisant d’abord quelques pièces pour la haute couture (broches, boucles de ceintures, etc.), il se dirige très vite vers la conception de luminaires. Le secteur est alors en pleine révolution avec l’arrivée de nouvelles technologies. À la pointe de l’avant-garde, il s’inscrit totalement dans ce mouvement d’innovation technique et esthétique. Pour autant, il fonctionne différemment des autres designers de l’époque, qui conçoivent mais ne réalisent pas leurs créations. Ayant son propre atelier, il fabrique tout lui-même, ce qui lui permet de produire de toutes petites séries. Sa carrière se découpe en trois grandes périodes. La première, au tout début des années 1950, concerne les luminaires composés de tiges de laiton et munis d’abat-jour traditionnels. À partir de 1954, il crée des luminaires en couleurs. Ses trois teintes fétiches sont le jaune, le vert et le rouge très saturés, en plus du noir et du blanc, avec des réflecteurs en aluminium embouti laqués et des tiges en laiton. À partir de 1957 et jusqu’en 1960-1961, il est le premier à commercialiser en France un luminaire en Plexiglas, avec des tiges en métal laqué noir et en laque métallisée grise. Robert Mathieu est novateur à plus d’un titre : il invente les luminaires modernes (à côté de Pierre Guariche) en éclairage direct, indirect et réfléchi. Il est aussi le premier à utiliser de nouveaux matériaux et à créer des luminaires mobiles, une vraie révolution par rapport aux éclairages des années 1940. Cependant, son invention majeure reste avant tout le système de double balancier.
Ce modèle de lampe de bureau est extrêmement ingénieux et parfaitement fonctionnel. Le réflecteur en aluminium perforé, classique de la gamme du milieu des années 1950, est articulé sur un tube courbé en laiton doré qui reprend la forme d’un G majuscule, sur lequel coulisse librement une petite tige droite munie d’un patin. Lorsqu’on positionne la lampe sur le rebord d’un plateau, la tige se bloque naturellement et constitue une sorte de pince ou d’étau, à la manière d’un serre-joint de maçon. Mathieu, avec cette lampe, réussit un équilibre subtil entre une technique, une esthétique et une fonction.
entre 15 000 et 18 000 €
Il s’agit d’une des pièces les plus emblématiques du créateur, car c’est une de ses réalisations qui passe le plus souvent sur le marché. Les modèles les plus produits sont toujours les plus célèbres, même si ce ne sont pas toujours ceux qui ont la cote la plus haute, à l’instar de ce lampadaire. « Paradoxalement, ce sont les pièces les plus courantes qui ont une cote, les plus rares n’en ont pas », analyse Pascal Cuisinier. Lancé dès 1951, le contrepoids est tout à fait révolutionnaire et constitue une véritable prouesse pour l’époque.
Adjugé 32 500 € chez Piasa le 26/10/2023
ce lustre est devenu un archétype du plafonnier des années 1950, avec de grandes tiges qui jaillissent d’un point central, suspendu en équilibre sur une tige fine, de couleur et renvoyant des faisceaux lumineux dans toutes directions. « Et pourtant, il est le seul en France. Mathieu n’en a fait qu’un, dont je ne connais que six exemplaires dans le monde. Ce stéréotype a été construit à partir des copies italiennes qui ont envahi le marché face à la demande, mais, à l’époque, quasiment personne n’en a fait. Cela explique l’engouement pour ce modèle pourtant très rare », explique Pascal Cuisinier.
Autour de 60 000 €
Pour cette applique, Robert Mathieu a mis au point un système de double balancier unique au monde, où l’un des bras constitue le contrepoids du second. L’ensemble est articulé avec une grande précision et tient en équilibre comme un mobile de Calder. Cette pièce est la seule applique à double balancier connue au monde (avec celle qu’il créera en Plexiglas en 1958). Aucun autre designer n’en a fait. Pour le moment, seuls trois exemplaires sont répertoriés dans le monde. Cette pièce constitue d’ailleurs la couverture de l’ouvrage consacré au créateur.
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Les luminaires de Robert Mathieu, une cote en devenir
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Abonnez-vous dès 1 €Cet article a été publié dans L'ŒIL n°770 du 1 décembre 2023, avec le titre suivant : Les luminaires de Robert Mathieu, une cote en devenir