PARIS
Auréolée du succès de ses éditions passées, la foire d’art contemporain se veut souveraine et festive. Elle investit de prestigieux lieux à Paris et devrait attirer de nombreux collectionneurs étrangers.
Vue d’ensemble
On ne change pas une formule gagnante. La 45e édition de la Foire internationale d’art contemporain (Fiac) ressemble beaucoup sur le papier à la 44e avec, çà et là, quelques nouveautés. Le nombre de galeries est ainsi le même que l’an dernier : 195. Mais ici, ce sont les lieux qui imposent leurs contraintes. Entre les zones qui doivent rester libres devant les accès vers l’extérieur, les lieux de restaurations et ceux dévolus aux sponsors, même après le départ du prix Marcel Duchamp, l’organisateur Reed Expositions ne peut pas commercialiser plus de 9 500 mètres carrés sous la nef du Grand Palais dont il exploite tous les recoins possibles. Et comme la Fiac ne veut plus ouvrir un deuxième lieu comme elle l’a fait un temps à la Cour carrée du Louvre, puis à la Cité de la mode et du design, il faut bien s’en contenter.
Une torture pour Jennifer Flay, la directrice de la foire, qui reçoit 520 candidatures et aimerait bien accueillir une vingtaine de galeries en plus. Armée d’un crayon et d’une gomme, elle doit alors tenter de placer les uns et les autres sur le plan, selon une subtile hiérarchie, en essayant de répondre au mieux aux demandes d’espaces, toujours supérieures à ce qu’il est possible de faire. Avec une petite souplesse. Contrairement à Frieze qui commercialise trois formats (40, 80 et 120 mètres carrés), la Fiac offre « 195 nuances de stands », allant de 18 mètres carrés pour les plus petits stands jusqu’à 80 mètres carrés pour les grandes galeries.
Une cartographie identique
La géographie des emplacements ne change pas non plus. Une centaine de grandes galeries modernes et contemporaines sont installées sous la nef, tandis que 70 galeries plus jeunes ou exposant des artistes émergents sont déployées dans les galeries supérieures. Le Salon d’honneur accueille, lui, une vingtaine de galeries « reconnues à l’international pour leur capacité à découvrir et promouvoir des artistes phares », selon la terminologie officielle, des tastemakers [lanceurs de tendances, ndlr] selon Jennifer Flay. Les cinq galeries de design (Downtown, Jousse, Seguin…) revenues l’an dernier trouvent place sous le grand escalier du fond. « La lisibilité du plan est très importante pour les visiteurs, explique Jennifer Flay, ils ne veulent pas se sentir submergés et veulent organiser au mieux leur journée ou demi-journée. »
Un tiers de galeries installées en France
Les visiteurs de cette édition ne seront ni dépassés ni décontenancés, car ils retrouveront une grande partie des galeries de l’an dernier. Et plus encore les visiteurs français pour qui les 54 galeries installées en France – 65 si on en prend en compte les galeries de design et d’éditions monoplisées par les Français – leur sont naturellement familières. Le contingent des galeries installées en France forme ainsi un tiers des exposants (29 % pour les galeries françaises). Un taux que Reed surveille comme le lait sur le feu, car autant l’intelligentsia de l’art contemporain en France se préoccupe peu de ses artistes nationaux de milieu de carrière, autant elle peut s’enflammer pour une galerie française qui ne serait pas sélectionnée à la Fiac. Un taux en tout cas supérieur aux 24 % de galeries britanniques présentes à Frieze London.
La Fiac, Art Basel et Frieze dans le même bain
Le renouvellement des galeries est relativement limité, avec dix-huit nouvelles galeries et le retour de quinze marchands. Reviennent ainsi Hauser & Wirth, Rodolphe Janssen, Modern Art ou les françaises Gabrielle Maubrie et Anne de Villepoix, tandis que Ben Brown Fine Arts – galerie créée en 2004 et installée à Londres et Hongkong – ainsi que les enseignes new-yorkaises Half Gallery et Paul Kasmin font leur première entrée sous la nef. On remarquera qu’une moitié des nouveaux ou revenants ont exposé dans les différentes sections d’Art Basel cette année. C’est en effet une caractéristique de la Fiac que de recruter parmi les exposants à Bâle. Ce qui au demeurant tombe sous le sens, car Art Basel accueille la fine fleur des galeries internationales. Au total, on ne compte pas moins de 110 enseignes présentes dans les deux manifestations en 2018, soit 56 % des galeries de la Fiac. Un nombre supérieur aux galeries présentes à la fois à Frieze Art Fair et à Art Basel en 2018 (95). Mais in fine, compte tenu du nombre plus réduit de galeries à Frieze (sans prendre en compte Frieze Master), la foire londonienne affiche un taux supérieur de proximité avec Bâle (64 %). Les uns et les autres viennent remplacer des départs plus ou moins volontaires dont les galeries françaises Françoise Paviot (spécialisée en photo) et New Galerie, la canadienne Landau Fine Arts et les américaines Edward Tyler Nahem, Lehmann Maupin ou Miguel Abreu.
Le faux débat sur les petites et moyennes galeries
Pour autant, la Fiac ne s’aligne pas totalement sur Art Basel ni Frieze et tente d’offrir un regard plus inédit sur la création contemporaine. Si parmi les 77 galeries qui n’ont été présentes dans aucune des deux foires européennes concurrentes, on trouve 34 galeries françaises – il faut faire briller la scène locale –, les galeries étrangères sont plus nombreuses (43). Une majorité de ces exposants ont moins de 10 ans d’âge. Ici se joue un des faux débats du moment : les foires et la fragile situation économique des petites et moyennes galeries. Pour y remédier, les foires ont commencé à moduler leur tarif proposant des prix plus bas pour ces galeries. C’est un faux débat en ce sens qu’il importe avant tout à une galerie de participer à une grande foire et que les petites et moyennes galeries en sont exclues pour la très grande majorité d’entre elles. Le coût des stands, certes pertinent dans l’équation intervient dans un deuxième temps. Quoi qu’il en soit, la Fiac a lancé le mouvement, suivi d’Art Basel pour 2019 et de Frieze Los Angeles. Elle a baissé de 5 % le tarif des petites surfaces – soit une économie de 520 euros pour une surface de 18 mètres carrés – tout en augmentant de 2,2 % les prix des grandes surfaces, ce qui représente un surcoût de 1 120 euros pour les plus grands stands. On est ici dans l’épaisseur du trait de crayon. Ce qui est sûr en revanche, c’est que la Fiac engrange maintenant les bénéfices de la montée en gamme de la manifestation avec des tarifs qui ont augmenté de 55 % en dix ans, soit quelques millions d’euros de chiffre d’affaires en plus.
Des VIP chouchoutés
Mais il n’y a pas que les tarifs de location des stands qui ont augmenté. Le billet plein tarif est passé de 25 euros en 2008 à 38 euros en 2018, soit une hausse de 52 %. Les étudiants eux ne paieront que 25 euros, tandis que les jeunes de moins de 12 ans et les VIP bénéficient de la gratuité. L’an dernier, la manifestation avait comptabilisé 75 000 entrées, dont un nombre tenu secret de ces importants collectionneurs qui achètent sur la foire et assurent son succès. La Fiac les cajole, ces VIP qui font et défont les foires. Elle multiplie les incitations à venir à Paris en organisant des manifestations hors du Grand Palais et dans des lieux prestigieux (cette année un parcours architectural place de la Concorde) au point qu’on peut parler d’une « Fiac week ». Elle leur ouvre les portes des musées pour des visites privées et met à leur disposition des limousines. Et elle garde la main même sur la météo et le calendrier ! Il y a quelques années, quand il s’est agi de choisir la bonne semaine en octobre, Reed a consulté les annales de la météo et s’est rendu compte qu’il pleuvait moins en cette période.
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La Fiac 2018 consolide sa formule
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Abonnez-vous dès 1 €Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°508 du 5 octobre 2018, avec le titre suivant : La Foire consolide sa formule