PARIS
L’artiste expose ses installations récentes, poétiquement politiques, chez Mor Charpentier.
Paris. Mor Charpentier a repris les anciens locaux, spacieux, de GB Agency (qui a mis fin à son activité en janvier dernier). C’est avec le travail de Kader Attia que la galerie, également basée à Bogota depuis 2021, inaugure sa nouvelle adresse du Marais. On retrouve dans ce solo show plusieurs des pièces présentées cet été au MoCo, à Montpellier (« Descente au Paradis »), notamment le film Pluvialité, qui lui donne son titre.
Il y a une synchronicité heureuse dans ce choix de programmation : cette étape dans le développement de l’enseigne semble en effet coïncider avec une nouvelle direction du travail de Kader Attia. La notion fondatrice de « réparation » est certes toujours présente dans son œuvre, par exemple avec Eternal Conversation, une composition de calebasses couturées et de demi-sphères en acier inoxydable, ou avec Untitled (Mirrors), une toile laissant apparaître ses balafres surfilées, dans lesquelles on pourrait voir une référence aux toiles lacérées de Lucio Fontana. Mais l’artiste suggère plutôt un écho à l’installation Show Your Wound (1974-1975), de Joseph Beuys. puisque les blessures, séquelles personnelles ou collectives sont l’envers des cicatrices, ces traces du passé. La façon dont l’histoire, et en particulier celle du colonialisme, a conditionné nos connaissances, nos attitudes et nos pratiques était aussi à l’origine de La Colonie, qu’il avait fondée dans le 10e arrondissement parisien en 2016, peu après l’obtention du prix Marcel Duchamp. Ce lieu culturel transdisciplinaire a baissé le rideau en 2020 et Kader Attia, commissaire en 2022 de la 12e Biennale de Berlin (où il vit et travaille), s’était fait plus rare à Paris. Mais il a, ces dernières années, exposé dans le monde entier, de la Biennale de Sharjah (Émirats arabes unis) à celle de Gwangju, en Corée.
Tourné en Thaïlande, Pluvialité #1 est un diptyque vidéo qui déroule des paysages de temples et de forêts tropicales, tandis qu’un médium relate face caméra sa métamorphose, entre transition de genre et renaissance, nourrie de spiritualité bouddhiste et animiste. Les images résonnent de chants d’oiseaux et du martèlement diluvien de la pluie, traduisant l’épaisseur et la lenteur d’un temps qui nous dépasse, et nous invitant simplement à accepter le cours des choses.
Au sous-sol, le ballet des sculptures robotiques mettant en mouvement des bâtons de pluie (Sans titre, 2024, [voir ill.]) fait pour sa part surgir un environnement désertique dont l’aridité est bercée par le bruissement liquide des idiophones. Kader Attia excelle dans la forme de l’oxymore : c’est aussi le cas avec la sculpture en verre déployée au sol, au rez-de-chaussée, évoquant des gouttes de sang. Son rougeoiement reflété sur les murs occupe tout l’espace, aussi fascinant que le spectacle d’un incendie dont ne subsisteraient que des brandons incandescents, comme cette beauté ambivalente dont parle aussi Attia, et qui est à la fois « le remède et le poison ».
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Kader Attia de retour à Paris
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Abonnez-vous dès 1 €Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°641 du 18 octobre 2024, avec le titre suivant : Kader Attia de retour à Paris