Allemagne - Biennale

On ferme les yeux

« Still Present! » : la biennale nébuleuse de Kader Attia

Divers lieux Berlin (Allemagne) – Du 11 juin au 18 septembre 2022

Par Anne-Charlotte Michaut · L'ŒIL

Le 27 septembre 2022 - 422 mots

Biennale  - La 12e Biennale de Berlin a posé des questions : « Comment façonner une écologie décoloniale ? Quel rôle les mouvements féministes non occidentaux peuvent-ils jouer dans la réappropriation de l’histoire ? Comment réinventer le débat sur la restitution au-delà du retour des œuvres spoliées ? Le champ de l’émotion peut-il être reconquis par l’art ? » Curatée par l’artiste Kader Attia, épaulé de cinq commissaires associés, la manifestation était tout entière construite autour de la « réparation » et proposait une relecture de l’histoire du XXe siècle du point de vue des vaincus.

Rassemblant plus d’une centaine d’artistes, la plupart extra-occidentaux, et se déployant dans six lieux de la capitale allemande, le résultat n’a pourtant pas été à la hauteur de l’ambition. Une polémique autour de la présentation de l’installation Poison soluble de Jean-Jacques Lebel, qui présente des agrandissements d’images tristement célèbres montrant les exactions commises par les soldats américains dans la prison d’Abou Ghraib, a provoqué la colère de trois artistes irakiens (Sajjad Abbas, Raed Mutar et Layth Kareem) qui ont demandé le retrait de leurs œuvres. Cette controverse, qui relève plutôt d’un manque de communication que de la censure, permet d’aborder l’écueil dans lequel tombe la biennale : le manque de contextualisation, qui nous pousse à nous demander où tout cela nous mène. Privilégier une approche ouverte, réflexive et non didactique certes, mais encore faut-il que des échos et des synergies se créent entre les œuvres et à l’intérieur des différents espaces. Le même texte (très) général introduit chacun des lieux, à l’intérieur desquels se déploie une succession d’œuvres qui s’insèrent dans des contextes extrêmement divers, probablement méconnus de beaucoup de visiteurs. Les cartels, de qualité très inégale, ne mentionnent pas les dates de naissance des artistes et ne donnent souvent que peu de clés de lecture pour appréhender ces œuvres engagées et politiquement chargées. Dans cette nébuleuse inégale, le propos général perd en acuité tandis que les œuvres ne sont pas toujours mises en valeur. Et c’est bien dommage, car cette biennale regorge d’œuvres puissantes et incisives. Pour n’en citer que quelques-unes, on retiendra l’installation de Tuân Andrew Nguyen, qui explore le traumatisme généré par le colonialisme français sur plusieurs générations au Sénégal dans une magnifique installation vidéo, les sculptures de Mai Nguyen-Long qui évoquent le scandale de l’« agent orange » répandu par l’armée américaine lors de la guerre du Vietnam, ou encore la vidéo d’Amal Kenawy montrant la performance collective Le Silence des agneaux et les réactions violentes des passants lors de sa réalisation dans les rues du Caire en 2010.

Thématiques

Cet article a été publié dans L'ŒIL n°758 du 1 octobre 2022, avec le titre suivant : « Still Present! » : la biennale nébuleuse de Kader Attia

Tous les articles dans Expositions

Le Journal des Arts.fr

Inscription newsletter

Recevez quotidiennement l'essentiel de l'actualité de l'art et de son marché.

En kiosque