Royaume-Uni - Musée

To BP or not to BP ?

Par Emmanuel Fessy · Le Journal des Arts

Le 25 février 2015 - 635 mots

LONDRES / ROYAUME-UNI

Être ou ne pas être financé par le mécénat de British Petroleum (BP), responsable d’une grave catastrophe écologique dans le Golfe du Mexique ? Cette question shakespearienne s’adresse directement à la Tate, au British Museum, à la National Portrait Gallery, au Royal Opera House mais pourrait concerner toute institution culturelle à une époque où militants écologistes, citoyens « lanceurs d’alerte » dénoncent les pratiques de grandes entreprises ou de banques et où ces institutions doivent rechercher encore plus de mécénat pour compenser la baisse des subventions publiques.

Après trois années de procédure acharnée, l’association Platform a remporté une victoire : contraindre la Tate à rendre publiques les modalités de son partenariat avec le trust pétrolier. Entre 1990 et 2006, elle a reçu en moyenne chaque année 250 000 £, somme jugée indispensable par le musée qui a vu sa subvention fondre de plus de 20 %. Platform, elle, juge la somme négligeable, permettant ainsi à BP de s’acheter une respectabilité à bon compte. Elle fait valoir que ce mécénat représentait 17,6 % des ressources propres de la Tâte en 1990-1991 et seulement 0,74 % en 2006-2007. Et l’association de réclamer avec encore plus de force la fin d’une collaboration. La Tate affirme qu’en aucun cas la compagnie n’influence ses acquisitions et sa programmation, qu’au lieu de financer des expositions « blockbuster » elle a contribué au raccrochage des collections permanentes, moins valorisant en termes de communication. Platform n’a cure de ces arguments et se focalise sur l’éthique des fonds collectés : « L’art devrait être au service de la vie, pas promouvoir la mort et la destruction du climat », écrivent ses militants vouant aux mêmes gémonies la compagnie pétrolière que les fabricants d’armes et de cigarettes. Le débat a pris un tour caricatural et simpliste. Certes, BP se sert bien de la Tate pour ses relations publiques, comme le mécénat humanitaire ou le financement d’ONG sert l’image d’autres entreprises. Mais aller jusqu’à affirmer que la Tate lui procure une « légitimation sociale », c’est faire fi de celle accordée par les consommateurs et les automobilistes. La compagnie soutient la Tate depuis 26 ans et n’a donc pas attendu le désastre de 2010 pour se refaire une virginité. Et juger le montant du mécénat comme négligeable a choqué des musées britanniques plus modestes qui aimeraient bien recevoir une telle manne. Relevons enfin que BP a été responsable d’un accident industriel, responsabilité éthique bien différente, par exemple, de celle d’une banque comme HSBC, mécène de la photographie. Et son chairman, Lord Green, ancien secrétaire d’État de David Cameron, n’adjurait-il pas, dans un livre, les « boards » [conseil d’administration] à avoir un comportement non seulement légal mais éthique !

En France, l’Admical a publié une nouvelle version de sa charte, « texte de référence sur le mécénat et son éthique ». Celle-ci affirme notamment : « Le mécénat exprime et enrichit la personnalité – et la singularité de l’entreprise, il apporte un supplément de sens au travail quotidien, à condition que la façon dont l’entreprise exerce son métier soit en conformité – avec les valeurs exprimées par son mécénat ». Texte louable, mais dont on peut douter qu’il satisfasse militants écologistes ou lanceurs d’alerte pouvant relever aussi parmi les 250 professionnels signataires les noms d’HSBC France ou Total (Fondation). L’actualité récente montre qu’en l’absence de critères généraux – difficiles à définir – il importe aux institutions d’être encore plus vigilantes au cas par cas, sur l’origine des fonds, sur la durée de l’engagement du mécène, sur l’indépendance de la programmation culturelle, sur des contreparties devant empêcher toute vampirisation, sur le contrôle de la communication… Les institutions les plus importantes pourraient associer à leur conseil d’administration un comité d’éthique consultatif. Contraintes difficiles à satisfaire alors qu’il leur est demandé d’engranger toujours plus de mécénat, mais éthiquement nécessaires.

Légende photo

Le Royal Opera House © Photo Russ London - 2007 - Licence CC BY-SA 3.0

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Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°430 du 27 février 2015, avec le titre suivant : To BP or not to BP ?

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