Festival - Art contemporain

« Un été au Havre » en toute liberté

Par Anne-Cécile Sanchez · Le Journal des Arts

Le 27 juillet 2023 - 524 mots

LE HAVRE

Cette première édition organisée sous la direction de Gaël Charbau est une réussite.

Le Havre (Seine-Maritime). L’Hôtel de ville du Havre arbore, comme toutes les mairies de France, la devise républicaine « Liberté, Égalité, Fraternité ». Depuis quelques jours, de nouveaux mots sont venus s’ajouter à son fronton. « Volupté », « curiosité », « sérénité », « créativité »« Il restait de la place », commente sobrement Mathieu Mercier, l’un des douze artistes invités par « Un Été au Havre » , auquel on doit cette intervention discrètement effrontée, œuvre « circonstancielle » pensée comme une évidence et intitulée Liberté, etc. Cette variation sur les valeurs républicaines, petite ode à l’ouverture d’esprit, souligne en creux celle d’une politique culturelle locale qui se trouve ainsi exposée à la critique éventuelle des passants. « Qu’est-ce qui se passe dans un quartier quand on y installe une œuvre d’art ? », se demande d’ailleurs un peu plus loin le mindmapping de Juliette Green. Sans doute beaucoup de choses, mais il est peu probable que cette nouvelle édition d’un Été au Havre, la première conçue par Gaël Charbau, qui succède ici à Jean Blaise jusqu’en 2026, déclenche un tollé, tant sa conception de l’art se veut ouverte. Parmi les mots au suffixe « té » que ce parcours d’œuvres dans la ville pourrait encore décliner, sa quête de « proximité » se traduit notamment par le choix de placer la très contagieuse vidéo musicale Universal Tongue d’Anouk Kruithof (adaptée pour un seul écran) au cœur du centre commercial des Docks Vauban : ce dernier n’avait encore jamais été investi par la manifestation estivale. Tout comme la gare : sa façade en verre a été métamorphosée par Isabelle Cornaro, qui y a transposé les séquences chromatiques des vitraux de la cathédrale Saint-Joseph, dont elle a également imaginé de reproduire et déplacer la flèche sous la forme d’une sculpture en bronze (Coupes, 2023). Si Un Été au Havre a toujours su valoriser le patrimoine culturel de la ville, cette édition fait preuve ici d’une habileté particulière.

La générosité est aussi au programme cette année, avec la dispersion, grâce à des milliers de cartes postales distribuées au public, des images créées pour le triptyque La Ville qui n’existait pas de Gregory Chatonsky. L’incongruité, réjouissante, d’une chouette baroque de Stefan Rinck (It Owl, 2021) surgit place de l’Hôtel-de-Ville, au milieu des bâtiments modernistes. La vitalité s’exprime dans le défilé en forme de performance imaginé par Maroussia Rebecq qui a fait son casting parmi les habitants et en a tiré un film mettant en vedette sa collection de mode « Upcycle Solution » sur fond de brisant de mer.

Enfin c’est une forme de convivialité qui est célébrée à travers l’expérience artistique du Rayon vert du peintre Didier Mencoboni, diffusé par touches dans la rue, sur les sous-bocks, les sets de restaurant, dans les boîtes aux lettres des Havrais… Ou encore avec ces gradins installés sur la plage par Léo Fourdrinier, installation surmontée des cursives en néon d’une phrase empruntée à une chanson pop aux accents spirituels (Mind and sense purified (panoramic sea)), pour une pause cathartique avec vue sur la mer… Outre les œuvres pérennes des éditions précédentes, le parcours comprend l’exposition à l’esprit psychédélique (« Songe d’une nuit d’été ») de Philippe Mayaux au Portique, centre d’art partenaire.

Un Été au Havre 2023,
jusqu’au 17 septembre, divers lieux dans la ville, uneteauhavre.fr

Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°615 du 7 juillet 2023, avec le titre suivant : « Un Été au Havre » en toute liberté

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