PARIS
Le matériel scénographique et pédagogique est si présent qu’il éclipse la sélection d’objets sortis de la tombe du pharaon.
Dès l’entrée de l’exposition Toutânkhamon qui ouvre au public le 23 mars, on se dit que quelque chose cloche. Les visiteurs doivent patienter quelques instants pour regarder une bande annonce sans intérêt avant que les portes s’ouvrent.
Ce dispositif que l’on retrouve dans d’autres lieux - la réplique de la Grotte Chauvet - vise à préparer mentalement le public à ce qui va suivre. Et ce qui suit a de quoi dérouter.
Dans des salles plongées dans une obscurité pesante, trônent d’immenses vitrines (blindées) doublement ceinturées de cartels et textes bilingues avec parfois des écrans vidéo à leur sommet. Ces présentoirs sont si massifs et encombrés que les œuvres exposées paraissent perdues. Tout autour, des reproductions d’œuvres, des illustrations, des vidéos, des panneaux de textes et encore des panneaux de textes, des éclairages colorés divertissent l’attention au point qu’on en oublie les objets.
Malgré les 3 346 ans qui séparent le matériel scénographique du mobilier funéraire du jeune pharaon, les artefacts sont si bien conservés (ou restaurés), ils paraissent tellement contemporains qu’ils peinent à se démarquer de leur environnement.
Les 150 objets présentés parmi les 5 400 que contenait la tombe sont magnifiques. Là n’est pas la question. On ne va pas chipoter sur l’absence de tel ou tel objet, en particulier le fameux masque en or clou de l’expo de 1967. Ceux qui sont là, un coffre en ébène et ivoire, un bouclier cérémoniel en bois doré, un cercueil miniature canope que l’on retrouve sur tous les magazines du moment, les bijoux en or posés sur la momie, sont somptueux et même émouvants, si l’on arrive à faire abstraction de ce qui nous entoure.
Le problème est que la scénographie prévaut tellement sur les œuvres que celles-ci disparaissent. Il est souvent fait reproche aux conservateurs de négliger la médiation, mais en l’espèce trop c’est trop.
C’est que justement ce n’est pas une exposition de conservateurs. Elle a été produite par le groupe américain WME-IMG spécialisé dans l’organisation de manifestations grand public dans le sport, la mode, le futile (Miss Univers) et les expositions d’art. Paris est la seconde étape d’un circuit qui doit emmener le « Toutankhamon Tour » dans 10 villes dans le monde avant que les objets rejoignent définitivement le nouveau musée du Caire qui doit ouvrir à la fin de l’année 2020.
WME-IMG a annoncé avoir déjà vendu 130 000 billets et aimerait bien en vendre 3 à 4 fois plus, et peut-être, qui sait, dépasser le 1,2 million de visiteurs de 1967. On souhaite bon courage aux visiteurs, car lorsque les vitrines seront prises d’assaut par le public, les « trésors du pharaon » seront encore moins présents. Ils pourront se consoler en se disant qu’une partie des 24 euros du billet d’entrée (tarif week-end) va en Egypte.
Cet article a été publié le 21 mars 2019