Les recherches plastiques de l’artiste confirment sa sensibilité au surréalisme et au biomorphisme.
BIOT (ALPES-MARITIMES) - Et si la grande affaire de Léger était non pas ses personnages imposants mais les objets ? C’est du moins l’hypothèse de la manifestation de Biot. On ne saura jamais pourquoi le commissaire Maurice Fréchuret n’a pas préféré utiliser le titre de son article Transfigurer le réel publié dans l’excellent catalogue de l’exposition. Une simple nuance ? Pas seulement, car à travers ses rapports avec le surréalisme et le biomorphisme, c’est plutôt un autre réel que Léger propose. De fait, on oublie que ce témoin enthousiaste de l’insertion de la machine et de sa puissante beauté dans la vie quotidienne s’intéresse également aux objets et à leurs interactions. Non pas que les choses soient totalement distinctes car la décomposition cubiste que Léger pratique a déjà un aspect mécanique. Ainsi, quand après la Grande Guerre, les « choses » deviennent un sujet récurrent de ses toiles, ce sont avant tout des bielles, des turbines ou des rouages qui s’y chevauchent. Les compositions sont kaléidoscopiques et centrifuges, la figuration éclatée et rayonnante. Inspiré par les affiches publicitaires, l’artiste va adopter le gros plan. Ou plutôt le zoom, pratiqué au cinéma afin de fixer et de fragmenter les objets. Et, en toute logique, le parcours s’ouvre sur le fameux premier film sans scénario, Ballet mécanique (1924), réalisé par Léger avec Man Ray et Dudley Murphy. Un mot résume ces différentes activités : contraste. Contraste des formes, des couleurs, des lignes – cette idée fixe, presque une obsession, revient systématiquement dans les déclarations du peintre.
Contraste des objets encore, qui rapproche certains tableaux de Léger des idées du surréalisme naissant. L’œuvre phare qui illustre cette proximité est La Joconde aux clés (1930). Au premier plan, un gigantesque trousseau de clés s’impose devant une reproduction simplifiée de la Joconde ; un objet trivial, manufacturé en série, prend plus d’importance que cette icône de la culture. Surréalisme alors ? Sans doute, mais qui ne cherche ni la métamorphose, ni la figure hybride. Les composants des œuvres de Léger, aux couleurs franches, cernés d’un contour net, gardent toujours une distance, dégagent une dissonance. « Une époque contrastée, une vie en fragments », écrit l’artiste. En revanche, l’influence du surréalisme et du biomorphisme fait que les objets naguère statiques s’animent et flottent dans l’espace. De provenance végétale, animale ou minérale, souvent liés ensemble par une racine ou un ruban, ils forment un univers en état d’apesanteur, aux accents poétiques. Mais, même là, on retrouve le style particulier de Léger : l’informe biomorphique se rigidifie, la souplesse se fige. Toute la puissance d’un bâtisseur amoureux du béton.
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Léger en gravitation
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www.biot.fr
mercredi-lundi 10h-17h.
Légende photo
Fernand Léger, La Joconde aux clés, 1930, huile sur toile, 91 x 72 cm, Musée national Fernand Léger, Biot. © Photo : RMN (Musée Fernand Léger)/Gérard Blot.
Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°412 du 25 avril 2014, avec le titre suivant : Léger en gravitation