Italie - Art ancien

XVIIE SIÈCLE

Le Guerchin achève son année à Rome

Par Olivier Tosseri, correspondant en Italie · Le Journal des Arts

Le 11 décembre 2024 - 809 mots

Récemment redécouvert, le peintre préféré de Grégoire XV a été très exposé en Italie en 2024. Il bénéficie cet automne d’une grande rétrospective aux Scuderie del Quirinale, où il est confronté à l’œuvre de ses contemporains.

Rome. Les Scuderie del Quirinale renouent avec un grand nom de l’art transalpin pour l’exposition événement de cet automne dans la capitale italienne. Depuis le 31 octobre, elles accueillent « Guercin. L’ère Ludovisi à Rome », en collaboration avec le Musée national romain, les Musées du Capitole et les Galeries des Offices de Florence. Sont exposées plus de 120 œuvres provenant de 68 institutions italiennes et internationales, parmi lesquelles les Musées du Vatican, le Louvre, le Prado ou encore le Getty Museum. Ces œuvres ne sont évidemment pas toutes du peintre préféré du pape Grégoire XV Alessandro Ludovisi, dont le nom sert de prétexte au véritable but de cette exposition : démontrer l’incroyable effervescence artistique qui régna dans la Ville éternelle pendant le pontificat d’Alessandro Ludovisi, qui dura à peine trente mois, de 1621 à 1623. Un laps de temps très court au cours duquel on retrouve à Rome les plus grands artistes, contribuant ainsi à en faire la capitale indiscutée du baroque : Guido Reni, le Dominiquin, Giovanni Lanfranco, Annibale et Ludovic Carracche, Pierre de Cortone, le Bernin… et donc Giovanni Francesco Barbieri (1591-1666) dit « le Guerchin ».

Une œuvre réévaluée

Longtemps négligée, l’œuvre du Guerchin a été récemment redécouverte et réévaluée. L’année 2024 s’est ouverte avec l’exposition consacrée par les Musées royaux de Turin au peintre émilien. Elle s’est poursuivie dans sa ville natale de Cento avec la vingtaine de chefs-d’œuvre provenant d’églises et de palais fermés pour restauration. Elle s’achève avec la grande exposition que lui consacrent les Scuderie del Quirinale à Rome. À lui mais aussi à la famille Ludovisi.

Le XVIIe siècle romain est souvent associé aux jeux de pouvoir complexes et aux mécénats flamboyants des grandes familles Borghèse et Barberini qui ont donné à l’Église catholique certains de ses plus illustres souverains pontifes.Ces derniers ont jeté dans l’ombre la fugace mais non moins éclatante parenthèse Ludovisi. Outre Alessandro, son neveu le cardinal Ludovico Ludovisi s’inspira du modèle de Scipion Borghèse par son importante œuvre de mécène. Il fit lui aussi bâtir en plein cœur de Rome une villa qui porte son nom et dont les plans de construction furent dessinés par le Dominiquin. On peut y admirer la célèbre fresque de l’Aurore du Guerchin ainsi que la seule fresque connue du Caravage. Cette résidence historique prestigieuse avait récemment défrayé la chronique pour avoir été mise aux enchères à trois reprises – sans succès. À titre exceptionnel, il est possible d’y pénétrer à l’issue de la visite de l’exposition aux Scuderie del Quirinale. Une surprise au sein d’une exposition dont le parcours ne brille pas par son originalité. Il parvient néanmoins à maintenir un difficile et délicat équilibre entre la monographie d’un artiste et une fenêtre ouverte sur une époque en proposant une succession d’œuvres en miroir de ses artistes les plus éminents : le Guerchin-Reni, Reni-le Dominiquin, Cortone-Poussin…, quitte à mordre un peu sur les bornes chronologiques du pontificat Ludovisi. La Trinité de Guido Reni, commandée par Ludovico Ludovisi pour le jubilé de 1625, côtoie ainsi la Crucifixion réalisée au même moment par le Guerchin pour la basilique Notre-Dame de la Ghiara de Reggio Emilia [voir ill]. Outre ces œuvres monumentales, on peut admirer les toiles les plus emblématiques du Guerchin, à commencer par son célèbre autoportrait conservé dans une collection privée, mais également sa dernière attribution : le Moïse [voir ill.]. Une huile sur toile proposée sur le marché en 2022 comme relevant de l’« école bolonaise du XVIIe siècle » avant que la Fondation Rothschild qui l’avait acquise ne lui rende sa véritable paternité.
 

Puissance lumineuse

Qu’il s’agisse de peinture religieuse, de paysage ou d’histoire, l’artiste parvenait à retranscrire avec force l’expressivité des scènes et recherchait un rendu naturaliste et sincère. Le Guerchin fut un formidable assimilateur et interprète de styles : celui des Carrache à Bologne, puis du Caravage à Rome mais aussi des Vénitiens, auxquels son traitement de la lumière doit beaucoup. Ce coloriste raffiné dans sa palette était avant tout un dessinateur au trait d’une rare précision et d’une très grande puissance lumineuse. Des caractéristiques démontrées par une riche sélection de dessins préparatoires dans une section de cette exposition rendant hommage à l’un des artistes les plus convoités de son temps. Mais, préférant mener une vie simple à Cento, il accepta seulement de se mettre au service de la cour pontificale, déclinant les invitations des monarques français et anglais. Ce qui ne l’empêcha pas d’exercer une influence de premier plan sur la scène artistique de son époque, bien au-delà de sa ville natale. Son mécène Grégoire XV y aura largement contribué, ce qui aurait pu légitimer un autre sous-titre : « Ludovisi, l’ère du Guerchin à Rome ».

Le Guerchin, l’ère Ludovisi à Rome,
jusqu’au 26 janvier 2025, Scuderie del Quirinale, via XXIV Maggio 16, Rome.

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Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°645 du 13 décembre 2024, avec le titre suivant : Le Guerchin achève son année à Rome

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