Le MuMa expose, pour certaines dans les conditions d’origine, de nombreuses œuvres léguées par la famille Senn.
Le Havre (Seine-Maritime). C’est avec émotion que Géraldine Lefebvre, la directrice du MuMa – Musée d’art moderne André-Malraux, se remémore l’importante donation qu’Hélène Senn-Foulds fit au musée en 2004 : un ensemble de 205 œuvres impressionnistes issues de la collection de son grand-père Olivier Senn (1864-1959). « J’étais à l’époque attachée de conservation, et je me souviens de l’exaltation de voir ces œuvres de Monet, Sisley, Renoir, Degas ou Pissarro intégrer nos collections ! », confie-t-elle. Vingt ans plus tard, le musée commémore à nouveau cette donation, mais sous un angle nouveau. « Contrairement à nos expositions précédentes, nous avons voulu prendre une autre voie, peut-être plus courageuse et compliquée. Celle de montrer et de publier l’ensemble de la collection initiale d’Olivier Senn », indique Géraldine Lefebvre. Un travail de recherche important, au terme duquel le MuMa a identifié plus de 500 œuvres appartenant à la collection originelle. « Bien sûr, il a fallu faire une sélection, mais nous dévoilons ainsi plusieurs œuvres inédites, qui avaient été revendues de son vivant ou disséminées après sa mort. »
Sur les 260 œuvres exposées, une cinquantaine provient donc de prêts, pour la plupart accordés par des descendants américains d’Olivier Senn.
Photographies d’époque, portraits de famille, factures d’achat…, l’exposition ne se contente pas de présenter peintures et dessins, mais rend compte de la pratique de collectionneur d’Olivier Senn. Parmi ses mérites, celui d’avoir reconstitué à certains endroits l’accrochage des œuvres telles qu’elles étaient disposées dans l’appartement parisien des Senn. Le tout en faisant le choix audacieux d’une scénographie colorée et dynamique, qui établit une comparaison directe avec les photographies des lieux. « Olivier Senn ne se souciait pas du tout d’une quelconque cohérence en termes de datation, précise Géraldine Lefebvre. Sa collection couvre plus d’un siècle d’histoire de l’art, avec une prédominance de l’impressionnisme et du paysage. » Ainsi, dans la reconstitution du petit salon, un dessin de jeunesse de Degas (1859) côtoie un Renoir de 1881 et un Bonnard tardif de 1919. Ailleurs, le parcours regroupe les œuvres par artiste : Eugène Boudin, Henri-Edmond Cross, Paul Sérusier… Tant de grands noms appréciés du collectionneur, qui se procurait leurs œuvres en masse. La fin de parcours plonge dans la collection (plus réduite) d’Édouard Senn, fils d’Olivier, qui comprend le Paysage, Antibes (1955) de Nicolas de Staël et Le Mendiant (1904), chef-d’œuvre de la période bleue de Picasso.
Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°645 du 13 décembre 2024, avec le titre suivant : Le Havre reconstitue l’intérieur de son généreux donateur