PARIS
Nombreuses sont les femmes artistes à avoir pris part au mouvement, ainsi que le démontre le Musée de Montmartre.
Paris. Toujours dans l’actualité, le surréalisme le sera encore plus en 2024, date qui marque le centenaire de la publication du Manifeste du surréalisme par André Breton. Le Musée de Montmartre apporte sa pierre à l’édifice sous un titre dans l’air du temps : « Surréalisme au féminin? » et la question de la participation à ce mouvement par les femmes artistes.
La réponse est non, il n’existe pas de surréalisme féminin, et, oui, il existe une pléthore d’artistes femmes surréalistes, comme le démontre l’exposition. Son grand mérite est de ne s’arrêter ni aux créatrices déjà reconnues, honorées par la 59e Biennale de Venise en 2022 – Leonora Carrington, Meret Oppenheim, Kay Sage – ni aux années historiques auxquelles on cantonne les surréalistes. D’une découverte à l’autre, telle Mimi Parent [voir ill.] ou Aube Elléouët, les visiteurs peuvent constater que la mort de Breton en 1966 n’a pas mis fin à ce mouvement au sein duquel l’érotisme, le rêve, la provocation, la poésie, l’absurde semblent encore possibles. Sans doute cette vision subversive du monde, ce refus des normes attirent les femmes qui voient dans le surréalisme non seulement une tendance artistique mais également un état d’esprit libérateur. Il s’agissait toutefois d’une illusion car si leurs acolytes masculins hissent la femme sur un piédestal où son image devient le support de tous les fantasmes, celle-ci n’en demeure pas moins à leurs yeux la femme enfant, la femme muse ou l’amante. Ainsi, lucide, Dorothea Tanning remarque que « la place de la femme dans le surréalisme n’était pas différente de sa place dans la société bourgeoise en général » (propos tiré du catalogue). C’est avec raison que les commissaires, Alix Agret, historienne de l’art, et Dominique Païni, commissaire indépendant, insistent : l’exposition n’a pas pour thème l’image de la femme chez les surréalistes, mais la production des femmes surréalistes.
Ces femmes artistes ont des pratiques semblables à celles des hommes. Assemblages, collages et photomontages seront les modes opératoires permettant de défaire, disjoindre et disloquer ce qui, une fois construit selon une tout autre logique, portera cependant les traces des effractions originelles.
Peut-on, malgré tout, évoquer des thèmes particuliers du surréalisme « féminin » ? On peut remarquer, çà et là, une certaine porosité entre les genres, chez Claude Cahun et Marcel Moore (Aveux non avenus, 1930) ou entre les espèces (Suzanne Van Damme, Couple d’oiseaux anthropomorphes, 1946), porosité peu fréquente chez les artistes hommes, probablement trop jaloux de l’image de leur virilité. Les autres traits pointés par les organisateurs, telles des activités littéraires et poétiques, une certaine tendance à l’abstraction – voir la magnifique sculpture d’Isabelle Waldberg, Palais, vers 1947 –, ou des métamorphoses végétales, sont partagés par tous les surréalistes. Ces caractéristiques communes témoignent que, hommes ou femmes, la seule chose qui compte est la qualité des œuvres.
Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°611 du 12 mai 2023, avec le titre suivant : Le surréalisme a-t-il un genre ?