Photographie

Le nouveau fonds photographique de Grenoble

Par Christine Coste · Le Journal des Arts

Le 24 janvier 2024 - 730 mots

GRENOBLE

La donation photographique faite au musée par le collectionneur et mécène Antoine de Galbert résonne de tous les bruits du monde.

Grenoble (Isère). En 2021, le directeur du Musée de Grenoble, Guy Tosatto, et le collectionneur et mécène Antoine de Galbert annonçaient la création d’un fonds photographique visant à donner une autre dimension à la collection photo du musée, « parent pauvre » de ses collections. « Nous avons évidemment des photographies, mais sans qu’il y ait de cohérence, car il n’y a jamais vraiment eu la volonté de constituer une collection, ni de politique suivie dans ce sens », rappelait alors Guy Tosatto au Journal des Arts [no 576, 29 octobre 2021]. « Certes, j’ai fait rentrer des photographies de mouvements artistiques, telle [l’école de] Düsseldorf, ou d’artistes dont le médium n’est pas la spécialité première. Mais de photographies historiques par exemple, nous n’avons pas. Aussi me semblait-il intéressant, non pas de constituer une collection encyclopédique – nous démarrons trop tard et de trop loin –, mais de passer par le regard singulier d’un collectionneur. Celui d’Antoine de Galbert me paraissait intéressant. » Antoine de Galbert, né à Grenoble en 1955, un temps galeriste dans la même ville, avait envie de son côté « d’aider le Musée de Grenoble » qui fut « son premier lieu d’initiation à l’art ». Pendant quatre ans, il a ainsi constitué, de concert avec le directeur, un fonds photographique « alimenté à la fois par des tirages issus pour 30 % de sa collection privée et pour 70 % par des acquisitions de sa fondation illustrant un certain état du monde de 1945 à nos jours », précise-t-il. Signée par la jeune Polonaise Wiktoria Wojciechowska, la galerie de portraits de soldats ukrainiens non professionnels engagés entre 2014 et 2016 dans la guerre du Donbass, issue de la série « Sparks (étincelles) », a été, dit-il, « le premier achat et l’œuvre fondatrice qui a déterminé les choix géopolitiques ultérieurs ».

Pas de distinction entre l’art et la photo de reportage

Aujourd’hui, « Une histoire d’images » révèle le contenu de la donation d’Antoine de Galbert au Musée de Grenoble dans une exposition dont les choix dissolvent les catégories et font fi des barrières érigées par le milieu de l’art contemporain et celui de la photographie pour distinguer la photographie artistique de la photo de reportage ou documentaire. Sophie Ristelhueber côtoie ainsi Fouad Elkoury, Alain Keler et Pavel Wolberg pour évoquer les conflits au Moyen-Orient.

Dans les 270 images exposées, réalisées par 95 photographes d’origine différente, on retrouve l’esprit éclectique du collectionneur d’art, affranchi des codes esthétiques en vigueur et hors des circuits balisés du marché. Ce n’est pas le vintage rare ou l’auteur célèbre qui suscitent l’achat, mais ce que dit l’image de son époque. Ainsi de cet autoportrait aux mocassins d’Alberto García-Alix, choisi pour affiche de l’exposition et incarnation de la Movida madrilène qui se développa au lendemain de la mort de Franco. Ainsi encore de cette photographie anonyme d’un essai nucléaire de l’armée américaine dans l’atoll de Bikini, un an après le bombardement atomique de Nagasaki.

Les conflits et les luttes

En préambule et en écho à cette image évocatrice et narrative, un télescopage de photos d’événements différents et de statuts divers déstabilise le regard. Photographie du drapeau soviétique flottant sur le palais du Reichstag (Evgueni Khaldeï), portrait anonyme de G.I. blessé durant la guerre du Vietnam ou portrait retouché de Lénine, visions de femmes détenues (Jane Evelyn Atwood) et de gueules cassées (Agnès Geoffray), voyage de De Gaulle en Ardèche (Henri Cartier-Bresson) ou funérailles à Rome fin 1964 du leader communiste Palmiro Togliatti (Mario Carnicelli)…

Ce parcours qui mêle la petite à la grande histoire ne construit pas une chronologie et ne cherche pas à être exhaustif, mais à faire entendre le bruit des conflits, des luttes et des histoires d’exils de par le monde. Ceci à travers un florilège d’auteurs référencés. Guillaume Herbaut, Mathieu Pernot, Olivier Jobard, Paolo Pellegrin, Sammy Baloji, Boris Mikhaïlov côtoient des photographes moins vus aujourd’hui tel Alain Bizos, ou méconnus comme le collectif Tir Visible ou Hugo et Karl Hugo Schmölz.

Antoine de Galbert date son intérêt porté à la géopolitique de ses études à Sciences Po Grenoble où l’on s’intéressait bien plus à Marx qu’à Keynes. Dans cette « Histoire d’images » se raconte aussi, à travers certaines œuvres comme celles de Luc Delahaye ou de Christian Courrèges, l’histoire de La Maison rouge, sa fondation d’art contemporain qu’il a portée à Paris entre 2004 et 2018.

Une histoire d’images. Donation Antoine de Galbert,
jusqu’au 3 mars, Musée de Grenoble, 5, place Lavalette, 38000 Grenoble.

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Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°625 du 19 janvier 2024, avec le titre suivant : Le nouveau fonds photographique de Grenoble

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