NOGENT-SUR-MARNE / VAL-DE-MARNE
L’artiste présente sa production picturale récente -qui peut laisser perplexe- à la Maison d’art Bernard-Anthonioz.
En acceptant l’invitation de la Maba (Maison d’art Bernard Anthonioz), Alain Séchas a tenu à y faire « une exposition de peinture », écartant de la sélection ses images accompagnées de textes, comme ses dessins croquant l’air du temps qui figuraient, il y a quelques semaines, dans l’exposition collective de rentrée du Palais de Tokyo (« Futur, ancien, fugitif »). Ce sont une trentaine de tableaux et d’œuvres sur papier datant quasi exclusivement de ces trois dernières années qui se trouvent réunis dans « Ô saison, Ô chats ! ». Or, sans présenter de caractère a priori scandaleux, la peinture d’Alain Séchas divise et oppose radicalement les critiques d’art. Certains y voient l’œuvre d’un coloriste inspiré, quand d’autres se montrent nettement plus réservés, allant même jusqu’à juger ses toiles sans intérêt. La présence de son travail dans de nombreuses collections publiques françaises confère cependant à Séchas l’aura d’un artiste important de la scène hexagonale.
La peinture, il s’y consacre depuis 2008, année où exposant, notamment son Centaure mourant 2.0 électromécanique, au Musée Bourdelle, il déclara vouloir arrêter de produire les chats en volume auxquels son nom était associé. « En théâtralisant, j’ai déclaré à ce moment-là que j’arrêtais les sculptures, se souvient-il. J’ai commencé par une forme de peinture abstraite, qui était d’abord un effacement du figuratif. »
Placé en tout début de parcours, Gris (2019) rappelle ce procédé de gommage, toute sa surface recouverte d’aplats dans les tons de brun, de bleu et de gris, comme si le paysage, oblitéré par ces blocs de couleurs ternes, se brouillait pour se confondre avec une palette barbouillée. Plus loin, une Mire (2017) à l’écart atteste par sa présence du goût, toujours d’actualité de l’artiste, pour une abstraction géométrique traitée comme un exercice de style. Les chats ont, quant à eux, depuis longtemps opéré leur retour sous le pinceau du peintre, longues silhouettes anthropomorphes figées dans des poses de la vie quotidienne, à la façon de clichés de la vie moderne. Chats en Bords de Marne (2019), sur fond d’Arbres rouges (2019) ou de Plage grise rose et bleue (2019), ils semblent le prétexte à une peinture hésitant entre banalité et citations, entre viduité de la vie et histoire de l’art, jusqu’à se confondre parfois avec le décor, comme dans cet Intérieur rose et vert (2019) dont on retiendra au choix l’harmonie chromatique ou la dérision suggérée.
Alain Séchas peint vite, sans esquisse préalable, dans un rapport immédiat à la toile, « une urgence » qui lui plaît. Ce faisant, il recherche « l’effet de projection » induit par l’échelle 1 de ses tableaux, mais suscité aussi par la familiarité de ses créatures félines, au premier abord plus proches de l’univers de la bande dessinée ou du dessin de presse que de l’art contemporain, ainsi que le souligne la critique Anne Bonnin, dans le catalogue. Alain Séchas peint aussi des Fleurs, « des choses auxquelles on n’échappe pas » : à prendre au premier, ou au 75e degré.
Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°538 du 31 janvier 2020, avec le titre suivant : La peinture ambiguë d’Alain Séchas