PARIS
À la Galerie Laurent Godin, Alain Séchas orchestre le retour d’un chat plus pictural et humain dans ses toiles.
À la Galerie Laurent Godin, à Paris, Alain Séchas poursuit son exploration du médium pictural avec deux ensembles de tableaux marqués par un retour de la figure du chat.
La peinture est depuis quelques années prédominante dans votre travail. Ressentez-vous une lassitude face à la sculpture ?
Il y a une date assez précise de ce basculement qui est celle d’une exposition au Musée Bourdelle [à Paris en 2008]. C’était une carte blanche pour occuper le musée. Je m’en suis servi pour orchestrer au sens propre, théâtraliser, quelques passages qui n’étaient pas totalement inconnus pour moi puisque, à mes débuts, j’avais fait pas mal de dessins et de recouvrements, du papier jusqu’à de grandes toiles. Ces dessins avaient déjà un air de famille avec des choses que l’on a revues vingt ans après. Il ne s’agit donc pas d’un monde brutalement apparu. Il y a eu, dans ce passage, peut-être une sorte de lassitude d’un certain type d’écriture, d’une certaine reconnaissance du travail, d’une certaine construction de l’exposition. Et effectivement il y a eu le désir d’abandonner l’aspect volume et installation pour utiliser le médium pictural. La façon de produire avec des entreprises ou des artisans, des assistants, m’a un peu lassé et donné envie de retrouver tout simplement l’échelle un et le plaisir physique de faire moi-même les choses.
Alors que vos installations ont toujours été peuplées de figures, votre peinture est alors devenue abstraite. Pourquoi ce décalage ?
À un certain moment je me suis dit « je ne vais pas faire des chats en peinture », je trouvais ça complètement absurde. Le premier tableau que j’ai montré au Musée Bourdelle était un effacement d’un tableau qui était resté dans l’atelier depuis 1992 ; je l’ai barbouillé au sens propre, cela m’a donné une empathie formidable avec la peinture. Après s’est posé le problème de tout peintre : quand vous effacez, vous reconstituez nécessairement d’autres figures. Même si elles ont servi à effacer, ces figures se mettent à devenir des carrés, des traces, des traits, de plus ou moins grande largeur ou matière. Je me suis donc occupé de ces problèmes, car, en art, il y a une question de vases communicants : à partir du moment où j’ai décidé de descendre dans le niveau d’humour en faisant disparaître les chats, il fallait que je remonte l’intérêt par la picturalité. C’était ça mon abstraction finalement.
Les chats ont réapparu dans votre nouveau travail. Qu’est-ce qui a motivé ce retour ?
Depuis un an, mon abstraction tournait au décoratif, n’avait plus son usage, celui de la projection humaine que je crois essentielle dans une œuvre d’art. Et curieusement je réutilise cet instrument [les chats], en effet. Ils sont beaucoup moins « bande dessinée », ils se « picturalisent », du point de vue de la tête. Je ne parle pas des corps qui, eux, ont presque tendance au contraire à se dissoudre dans le paysage. Je veux à nouveau attirer l’attention du spectateur sur les postures, la façon dont mes concitoyens se meuvent dans la rue ou sur ces lieux encore plus étranges que sont les bords de l’eau ; la plage est ainsi un intermédiaire, une lisière fantastique qui convoque un imaginaire. Ces chats sont en train de se dissoudre, mais pas du tout comme il y a huit ans pour disparaître définitivement, enfouis sous un désir d’abstraction. Ils sont là au contraire pour se réinstituer en tant qu’êtres humains, en tant que chair. Et la gestion « humoristique » est tout à fait différente.
Dans ces tranches de vie que vous nous donnez à voir, presque tout tourne autour du couple ou de la rencontre. Cette question-là est-elle pour vous un fait saillant de la société d’aujourd’hui ?
Oui je crois, c’est la question de montrer des personnages… J’ai « fait » pas mal de couples aussi auparavant. Dans ma première exposition, il y a vingt-cinq ans, il y avait un couple dont les deux personnages déjà étaient bien éloignés [l’un de l’autre] sur le socle et donnaient l’impression qu’ils ne pouvaient pas trop communiquer en dehors de la robe qui les rassemblait. Il y a de cela là-dedans, même pour ceux qui s’étreignent ce n’est pas vraiment une étreinte. J’aime bien que [mes personnages] soient des urbains, classe moyenne, cultivés, qui souvent ont des attitudes triviales. Il y a les gens avec chien et les gens sans chien, qui ne peuvent pas communiquer. Vous ne direz jamais « vous êtes idiot avec votre chien », vous acceptez cette chose. La part « citoyenneté » de mon travail a toujours été très présente.
L’accès à la totalité de l’article est réservé à nos abonné(e)s
Alain Séchas :« Je crois essentielle la projection humaine dans une œuvre d’art »
Déjà abonné(e) ?
Se connecterPas encore abonné(e) ?
Avec notre offre sans engagement,
• Accédez à tous les contenus du site
• Soutenez une rédaction indépendante
• Recevez la newsletter quotidienne
Abonnez-vous dès 1 €ALAIN SÉCHAS, jusqu’au 17 octobre, galerie Laurent Godin, 5, rue du Grenier-Saint-Lazare, 75003 Paris, tél. 01 42 71 10 66, www.laurentgodin.com, tlj sauf dimanche-lundi 11h-19h.
Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°441 du 18 septembre 2015, avec le titre suivant : Alain Séchas : « Je crois essentielle la projection humaine dans une œuvre d’art »