Photographie

PHOTOGRAPHIE

La fascinante modernité d’Ishimoto

Par Christine Coste · Le Journal des Arts

Le 4 septembre 2024 - 546 mots

Le BAL consacre une exposition d’envergure en France sur les premières décennies du photographe Yasuhiro Ishimoto.

Paris. C’est en préparant l’exposition sur la revue japonaise Provoke en 2016, que Diane Dufour s’est rendu compte à quel point cette expression dans la photographie japonaise dans les années 1950-60 avait été en partie marquée par l’influence de Yasuhiro Ishimoto (1921-2012). Curieuse d’en savoir davantage, elle est partie au Japon pour explorer le fonds du photographe conservé au Musée d’art de Kochi, sur l’île de Shikoku. De son émerveillement devant la teneur du travail tant à Chicago qu’à Tokyo, en particulier celui des premières décennies, est née une monographie sur ces années 1948-1960 qui, à son tour, émerveille par son contenu. Car chez Ishimoto, la préoccupation documentaire, sociale et urbaine, allie constamment une recherche formelle et un tirage de qualité.

« Cette constante est à rechercher dans l’influence qu’ont exercé Harry Callahan, son professeur avec Aaron Siskind à l’Institut of Design de Chicago et le Bauhaus enseigné dans cette école fondée par Moholy-Nagy », explique Diane Dufour. Ishimoto a 27 ans quand, en 1948, il soumet à Callahan son portfolio et derrière lui une première partie de vie marquée par un retour de ses parents au Japon après sa naissance à San Francisco, et une installation en Californie pour poursuivre des études en agriculture que le bombardement de Pearl Harbor et l’emprisonnement des Japonais et Américains d’origine japonaise vivant aux États-Unis qui suivit, a interrompu. C’est dans un camp de regroupement qu’Ishimoto a découvert la photo qu’il poursuivra dans un club photo quand il rejoint, en 1944, Chicago, pour entamer des études d’architecture avant de faire partie des premiers étudiants du département photographique de l’Institut of Design.

Les exercices formels donnés par Harry Callahan au sein du studio et dans les rues de Chicago forment les premières séries de l’œuvre et des premiers livres dont le regroupement au rez-de-chaussée du BAL montre la fascinante pertinence et modernité du regard entre le sujet, le cadre et la forme. Scènes de quartiers de Chicago où sévit la discrimination, en particulier envers les Afro-Américains, plages ou maisons et rues sous la neige : Ishimoto perçoit le pouvoir suggestif de la photographie. L’illustre la série devenue emblématique des estivants [voir ill.] dont il ne retient que les jambes devant une buvette, lignes verticales graphiques structurant l’image.

 

 

Un regard marqué par sa formation à Chicago

Regroupées au niveau inférieur du BAL, les séries entamées à partir de son retour au Japon relèvent de la même vision que celles développées à Chicago « avec pour Tokyo et la villa impériale de Katsura, un questionnement relatif à ce qu’est spécifiquement japonais », souligne Mei Asakura, conservatrice au Ishimoto Yasuhiro Photo Center dans la monographie co-éditée par Le BAL et l’Atelier EXB. « En introduisant la pensée formelle du modernisme, étudiée à l’Institute of Design de Chicago, Ishimoto a eu un impact non seulement sur la photographie de l’après-guerre mais, au-delà, sur la scène artistique japonaise en général. » En particulier ses photographies sur Katsura qui « ont apporté aux architectes et aux artistes japonais un nouveau regard sur la tradition japonaise, au moment où ces derniers explorent la modernité dans le contexte de la démocratie d’après-guerre », précise Yasufumi Nakamori, directeur de l’Asia Society and Museum à New York.

 

 

Yasuhiro Ishimoto. Des lignes et des corps,
jusqu’au 17 novembre 2024, Le BAL, 6, impasse de la Défense, 75018 Paris.

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Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°638 du 6 septembre 2024, avec le titre suivant : La fascinante modernité d’Ishimoto

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