Une entrée remarquée grâce à cette exposition relative aux vingt-cinq premières années de sa carrière, placée sous le commissariat de Julie Jones. L’intérêt porté à l’Institute of Design (Chicago) par la conservatrice du Cabinet de la photographie depuis son doctorat sur cette fameuse école dite « de Chicago » n’est pas étranger à cette mise en lumière.
« Initiée à la photographie par son père, Barbara Crane a découvert les innovations formelles et théoriques des avant-gardes européennes dès ses études en Californie au Mills Collège (Oakland) où enseigne Imogen Cunningham, relate Julie Jones. Durant ces années [1945-1948], elle lit les écrits de László Moholy-Nagy et de György Kepes, qui étaient tous deux enseignants à l’Institute of Design, fondé avant guerre par Moholy-Nagy, ancien professeur du Bauhaus. Ce n’est toutefois qu’après être revenue en 1964 à Chicago, sa ville natale, avec ses trois enfants et son mari […], que Barbara Crane a rejoint cette école pour suivre les cours de photographie d’Aaron Siskind. » Ajoutant : « Siskind, qui à la suite de Harry Callahan, encourage l’expérimentation comme méthode de travail au service de l’expression de la subjectivité, mais aussi d’une certaine forme d’humanisme. » Réalisés dans le cadre de son diplôme, l’ensemble des « Human Forms » (1964-1968), nus quasi abstraits de ses enfants, fait ainsi partie des premières recherches esthétiques de la photographe sur les formes, la lumière et les lignes graphiques. Si l’on y retrouve l’influence de Callahan et de Siskind, le contour des corps, réduit à une ligne pure, s’y distingue. Les tirages, réalisés par les soins de la photographe à l’instar des 90 % des tirages exposés, sont de toute beauté. Le perfectionnisme technique de Barbara Crane va de pair avec son besoin d’expérimenter constamment pour « suggérer de nouvelles manières de communiquer la sensation d’être dans le monde », pour reprendre les termes de John Rohbach cité dans le catalogue (éditions Atelier EXB).
Julie Jones a rapporté, des archives de l’Américaine, quelques ensembles jamais ou peu montrés en France telles ces photographies de plages de Chicago qui rappellent, dans une autre veine documentaire, celles d’Yasuhiro Ishimoto (1921-2012) actuellement exposé au BAL à Paris. Ishimoto, élève lui aussi de l’Institute of Design de Chicago, conseilla à Crane l’achat de son premier Nikon 35 mm lors de son séjour à Tokyo. Du BAL au Centre Pompidou, c’est une émancipation du regard née de cette école de Chicago qui se raconte, indissociable chez Barbara Crane d’une volonté de ne jamais se laisser enfermer dans un style. « On aura compris que Barbara n’est jamais en repos, physiquement, professionnellement mais aussi mentalement », rappelle dans le catalogue la galeriste Françoise Paviot, qui la représenta jusqu’à peu en France.
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Barbara Crane, expérimentation et humanisme
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Abonnez-vous dès 1 €Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°641 du 18 octobre 2024, avec le titre suivant : Barbara Crane, expérimentation et humanisme