PARIS
Au Musée des arts décoratifs de Paris, le trop grand nombre d’œuvres et d’objets exposés nuit à leur juste appréciation comme à la lecture du propos.
Paris. Avec force espaces – 2 200 m2 –, le Musée des arts décoratifs de Paris se penche sur le japonisme, ce phénomène d’influence nippone qui émergea, dans l’art occidental, dans la seconde moitié du XIXe siècle. « Japon-Japonismes, Objets inspirés 1867-2018 » met à l’honneur son propre fonds d’art japonais ancien, pour environ 80 % des pièces, auquel s’ajoutent des prêts provenant d’autres institutions, mais aussi de créateurs ou de collectionneurs dont certaines œuvres « venues tout spécialement du Japon ». Les 1 400 objets exhibés couvrent différents domaines de la création – design, objets d’art, mode, art graphique, photographie… –, selon cinq thématiques : les acteurs de la découverte, la nature, le temps, le mouvement et l’innovation.
Le parcours débute au XIXe siècle, au moment où le pays du Soleil-Levant affiche des signes liminaires d’ouverture, avant d’accélérer les échanges durant l’ère Meiji. Le Japon commence à participer aux Expositions universelles, ces événements internationaux d’ampleur qui sont les vitrines des pays industrialisés. Première véritable participation : l’Exposition universelle de Paris de 1867, comme l’illustrent des photographies. La culture nippone peut enfin être transmise. Des pionniers voyageurs, tels Henri Cernuschi, Hugues Krafft et Siegfried Bing, ou le designer Charles Dresser, contribuent à la diffusion d’une grande variété d’objets : céramique, laque, estampe, textile, vannerie… En témoignent ces belles collections de peignes ou de gardes de sabres en fer, cuivre et bronze, datant du XVIe au XIXe siècle.
Rapidement, le visiteur se retrouve comme submergé par le nombre d’objets. La quantité fait-elle la qualité ? Rarement, en tout cas pas ici. Certes, certaines pièces sont splendides : le panier en bambou d’Iizuka Rokansai, les grès émaillés de Paul Jeanneney, l’estampe Femme assise au bord d’une véranda de Kitagawa Utamaro, les karakami (papiers décoratifs traditionnels japonais) et autres frises au pochoir d’Henri Sauvage. Mais le déferlement d’œuvres brouille les repères, en particulier au premier étage, et rend le discours peu, sinon pas, perceptible.
Exemple : la nature et sa représentation, source d’inspiration inépuisable, figure bien au cœur du japonisme. Mais les différentes sections qui l’illustrent apparaissent un brin simplistes : Bambou, Hirondelle, Papillon, Printemps, Été, Automne, Hiver… Ailleurs, certaines thématiques peuvent paraître fourre-tout et sans vrai parti pris. Ainsi, celle relative au « Mouvement » regroupe à la fois un palanquin, des costumes de spectacle, une représentation d’un vol de grues et des items illustrant les échanges artistiques et commerciaux franco-nippons. De même avec « L’Innovation », secteur dévolu à la création contemporaine.
Conçue à partir de papier japonais, la scénographie signée par l’architecte Sou Fujimoto permet par moments de reprendre sa respiration. Elle fonctionne bien lorsqu’elle simule le mont Fuji – toile de fond d’une section pourtant discutable sur… la langouste – ou lorsqu’elle se fait discrète, avec, en guise de socles, de fragiles feuilles qui deviennent écrins pour les objets. Moins quand elle est illustrative, voire décorative.
Des moments paisibles : un espace habillé de rouge au lieu du noir pesant et récurrent ; une section consacrée aux rituels du thé, permettent, mais trop rarement, que l’on apprécie à sa juste valeur ce qui est montré. Au final, le visiteur en ressort groggy, avec le sentiment d’avoir vu beaucoup, sans avoir pourtant retenu quelque chose en particulier. Dommage !
Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°515 du 18 janvier 2019, avec le titre suivant : Japonisme, le trop-plein