PARIS
Paris. L’exposition « Meiji » s’inscrit dans la saison culturelle « Japonismes 2018 », qui célèbre cent soixante ans de relations entre le Japon et la France et le 150e anniversaire du début de l’ère Meiji.
On sait l’engouement pour l’esthétique japonaise qu’a connu la France à la fin du XIXe siècle. Or cette découverte n’a été possible que lorsque Mutsushito, fils de l’empereur Kômei, succéda à son père en 1868, adoptant pour nom posthume « Meiji » (« politique de la lumière »), son règne devenant l’« ère Meiji » (1867-1912).
Mettant fin au système féodal et aux guerres, l’empereur ouvrit le Japon au monde. Parce que le Japon a largement accueilli les industriels étrangers, et que sont connues les photographies du souverain et des élites en costumes occidentaux, on imagine une relation à sens unique. Il n’en est rien : pour acquérir les moyens de son développement, le pays du Soleil-Levant choisit d’exporter ses arts décoratifs, lesquels connaissent un succès phénoménal.
Sous le commissariat de Michel Maucuer, conservateur en chef de la section Japon du Musée national des arts asiatiques-Guimet, l’exposition retrace en 255 objets la révolution culturelle que connut le pays à partir du moment où les artistes n’ont plus produit pour des élites très restreintes mais pour une bourgeoisie nationale et les acheteurs étrangers des Expositions universelles. La plus grande collection d’art japonais de l’ère Meiji hors du Japon est celle de Nasser D. Khalili, qui a prêté ici de nombreux émaux, laques, tissus ou bronzes. Ce sont souvent des pièces monumentales comme le Paravent à décor de divinités shintoïstes (vers 1880-1890), probablement présenté à l’Exposition universelle de Paris en 1874, un Brûle-parfum (années 1870) en bronze et métal doré de Suzuki Chokichi, le groupe de bronze et cristal de roche Susanoo no mikoto recevant le joyau sacré (après 1881) d’Ôtake Norikuni ou le Cabinet à décor des Huit Vues d’Ômi (laque, vers 1904-1911) exécuté par Harui Kômin.
Dans le catalogue, Nasser D. Khalili rappelle qu’un Van Gogh ne chercha pas seulement l’inspiration dans l’estampe japonaise, mais qu’il admira aussi les objets d’art exposés par Siegfried Bing dans sa galerie parisienne. L’exposition en propose de magnifiques exemples, tout en analysant la persistance, au Japon, de l’inspiration religieuse et les réactions de certains artistes au changement. Si l’eau-forte et la lithographie, techniques occidentales, furent adoptées à la fin du XIXe siècle, la xylographie fit sa réapparition au début du XXe siècle. Un intérêt nouveau pour l’histoire de l’art national et l’archéologie naquit en réaction au modernisme et à la simplification des techniques par souci économique. Enfin, un artiste comme Kawanabe Kyôsai (1831-1889) résista ouvertement aux nouveaux courants esthétiques.
À la fin du parcours, le commissaire propose une sorte de quizz : divers objets sont présentés sans cartels, ceux-ci étant regroupés sur un mur à part. Il s’agit pour le visiteur de déterminer ce qui est japonais et ce qui relève du japonisme. Il apparaît au travers de ce jeu qu’au tournant du siècle l’esthétique nippone avait pénétré toute la société occidentale.
Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°511 du 16 novembre 2018, avec le titre suivant : Quand le Japon s’est ouvert au monde… L’Ère Meiji racontée au musée Guimet