En écho au centenaire de la naissance du surréalisme, Le Minotaure célèbre l’œuvre de cet artiste majeur dans l’histoire du mouvement.
Paris. Spécialisée dans les avant-gardes artistiques du début du XXe siècle dont beaucoup de représentants viennent de l’Europe centrale et de l’Est – ce qui est le cas de Jacques Hérold (1910-1987), né en Roumanie –, la galerie reste fidèle à son credo : remettre sur le devant de la scène des artistes importants mais qui ont été quelque peu mis de côté par l’histoire. « Malgré son appartenance au mouvement surréaliste depuis les années 1930, Hérold est resté souvent dans l’ombre, ne serait-ce que de ses compatriotes Tristan Tzara ou Victor Brauner », expliquent Benoît Sapiro, le fondateur de la galerie, et Maria Tyl, responsable des expositions et publications. L’artiste, qui restera jusqu’à la fin de sa carrière dans le périmètre du surréalisme, est exposé à la galerie depuis toujours et avait déjà fait l’objet d’une exposition en 2018. Cette fois-ci, la vingtaine d’œuvres proposées, pour des prix allant de 3 000 à 65 000 euros, se concentre sur l’après-guerre.
Jacques Hérold arrive à Paris à l’âge de 20 ans. Très vite, il réussit à intégrer le milieu de l’avant-garde grâce à son compatriote Constantin Brancusi, dont il va devenir l’assistant. Brancusi l’introduit auprès de Marcel Duchamp, Man Ray, Victor Brauner, Yves Tanguy. Il rencontre André Breton en 1934, participant la même année à son premier « cadavre exquis » (jeu collectif inventé par les surréalistes en 1925), mais ce n’est qu’en 1938 qu’il rejoint le groupe, dont il restera membre jusqu’en 1951. En 1939, il participe pour la première fois à une exposition collective à la Galerie contemporaine. Viendront ensuite celles de la Galerie Maeght en 1947, de La Dragonne les deux années suivantes, puis de la galerie Daniel Cordier en 1959-1960.
Son vocabulaire artistique singulier s’affirme au début des années 1930 et évoluera tout au long de sa carrière ; sa peinture se découpe d’ailleurs en six périodes. Son univers « est peuplé de formes organiques et biomorphiques, faisant penser parfois à des insectes ou à des êtres hybrides répandus au sein du surréalisme, et puise dans l’inconscient de l’artiste, comme dans les événements ayant marqué sa jeunesse », explique Maria Tyl.
Avant l’éclatement de la Seconde Guerre mondiale, l’artiste développe deux cycles de peintures explorant le thème de la germination (éclosion, renaissance, émergence d’un corps) et des écorchés – il procède à un arrachement de la surface des êtres et des choses (Les Regards, 1937). Ce sont ensuite les « Cristallisations », entre 1938 et 1948. Là, ses toiles se couvrent d’objets construits en aiguilles, de verres cassés, de lames tranchantes et de cristaux. Puis vient la fragmentation du monde minéral, de 1948 à 1958. Le cristal est toujours le thème central, mais son traitement subit un éclatement et la matière ressort sur la surface peinte (Le Catalyseur, 1958). Des cristaux, Hérold passe, en 1961, aux flammes, aux plumes et aux pétales, motifs qui peuvent aussi se combiner : c’est la période couverte par l’exposition. Sa facture singulière va ainsi rester constante : une organisation par touches appliquées en croissant, comme à la truelle, laissant apparaître une pâte onctueuse, des touches souvent disposées par chevauchement à la façon d’un toit ou de plumes d’oiseau, sur un fond sombre. L’une des plus belles œuvres représentatives de cette époque est Les Poussées, de 1964 (qui semble tout droit sortie d’un conte de fées), mais aussi Corps et biens (1966) ou Du soir au matin (1962). À ne pas manquer non plus, Portrait de Van Gogh (1970), dans la veine humoristique d’un Magritte.
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Jacques Hérold, un surréaliste singulier
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Abonnez-vous dès 1 €Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°627 du 16 février 2024, avec le titre suivant : Jacques Hérold, un surréaliste singulier