Art contemporain - Centre d'art

Chaumont-sur-Loire, la nature de l’art

Par Henri-François Debailleux · Le Journal des Arts

Le 30 juillet 2023 - 757 mots

CHAUMONT-SUR-LOIRE

La 16e édition de la Saison d’art, dans le château et son parc, se distingue particulièrement par la qualité des œuvres présentées, répondant à la thématique de la nature.

Chaumont-sur-Loire, Loir-et-Cher. Depuis la première Saison d’art que Chantal Colleu-Dumond, la directrice et commissaire des expositions du domaine de Chaumont-sur-Loire, a lancée en 2008 et celle de l’année dernière, le nombre de visiteurs est passé de 200 000 à 536 000. On ne peut pas mettre cette considérable augmentation de fréquentation uniquement sur le compte de l’art contemporain, puisqu’il y a un billet unique pour le château, le domaine, la Saison d’art et le Festival des jardins, sur les 32 hectares du site. Mais il est évident que sa présence y est pour quelque chose. Et la tendance ne risque pas de s’inverser cette année tant la qualité de cette 16e édition, avec quinze artistes sélectionnés, atteint des sommets.

Alechinsky en majesté

La preuve en est donnée d’emblée dans les dix salles des galeries hautes du château où sont accrochées 274 œuvres sur papier d’Alechinsky, soit la première « rétrospective », selon le terme qu’il a lui-même employé pour définir cet inédit et exceptionnel rassemblement d’estampes. Joyeux, d’une grande variété sur le plan aussi bien des techniques (gravure sur bois, eau-forte, lithographie, livre illustré…) que des sujets et de la gamme chromatique, l’ensemble est présenté de façon chronologique (avec œuvres datées de 1948 à 2020). Il rappelle la passion qu’a toujours eue l’artiste (il aura 96 ans en octobre prochain) pour le papier, et ce d’autant plus qu’Alechinsky fut d’abord typographe et imprimeur avant de commencer sa carrière.

Dans la catégorie des artistes reconnus, figure également cette année Lee Ufan. L’artiste d’origine sud-coréenne (né en 1936), qui tient toujours extrêmement compte de l’environnement dans lequel il intervient, a choisi les anciennes cuisines au sous-sol de la tour du roi. Dans une salle circulaire, il a disposé au sol un miroir qui épouse l’espace et reflète la voûte à laquelle il a accroché un fil qui tombe presque jusqu’au miroir, mais sans le toucher. Le reflet pourtant donne l’impression d’une continuité sans fin et d’une vertigineuse mise en abyme. L’œuvre est d’ailleurs intitulée Le Fil infini et voisine avec le labyrinthe de poutres et sa forêt de cloches en bronze de Jannis Kounellis, installation permanente, première commande publique à prendre place à Chaumont en 2008. Les deux œuvres dialoguent parfaitement. Dans ce registre, l’habitué des lieux Pascal Convert (né en 1957) qui, lors des éditions précédentes, a installé plusieurs œuvres et notamment des livres cristallisés dans la bibliothèque, a cette fois investi la grande table de la salle à manger du château. Il y a disposé quarante torchères en gypse blanc, comme une forêt de candélabres qui jouent avec les variations de lumière.

Une toile de 27 m de long de Fabrice Hyber

Des arbres, et des racines, on en découvre encore de nombreux dans les dix-huit toiles – dont l’une de 27 mètres de long peinte à Chaumont –, d’une série justement intitulée « Sous la forêt, des vies », que Fabrice Hyber présente dans la galerie basse du fenil et dans les galeries de la cour Agnès-Varda. Dans le parc, non loin des sculptures de Christian Lapie, Lionel Sabatté a réalisé sur place une sculpture, La Membrane, selon sa technique habituelle qui le voit conjuguer du fer à béton, du ciment et des fibres végétales pour construire une forme complexe, entre la caverne, la carcasse et le bosquet. Très végétale, l’œuvre n’est pas sans évoquer une poussée de palétuviers écorchés. Le céramiste et sculpteur Grégoire Scalabre propose, lui, sous l’auvent des écuries, une énorme amphore antique recouverte de 70 000 amphores miniatures en porcelaine, peintes à la main. Leur fragilité s’oppose à la densité des sculptures en orgue basaltique aux formes de bustes, troncs, totems que Denis Monfleur présente dans la cour de la ferme.

Sans évoquer tous les artistes, citons encore Claire Morgan avec un superbe mobile, Yves Zurstrassen et ses tableaux aux motifs de fleurs (datés de 2005 à 2011), Bob Verschueren qui a imaginé Le Clan des voltigeurs, un nid pour des martinets. Dans la catégorie des révélations chère à Chantal Colleu-Dumond, au moins deux œuvres illuminent, au sens figuré comme au propre, les espaces où elles sont présentées : Esprit de la pierre de Vladimir Zbynovsky avec des sculptures en pierre et verre qui, dès l’entrée, scintillent sur l’eau du pédiluve. Et Mémoires d’enfance de Sophie Blanc qui recouvre des graminées à la feuille d’or. La nature tel un bijou, comme un symbole de la Saison d’art.

Saison d’art 2023,
jusqu’au 29 octobre, Domaine de Chaumont- sur-Loire, Centre d’arts et de nature, 41150 Chaumont-sur-Loire.

Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°615 du 7 juillet 2023, avec le titre suivant : Chaumont-sur-Loire, la nature de l’art

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