PARIS
Adepte des matériaux très originaux, l’artiste transforme la poussière en œuvre d’art chez Ceysson & Bénétière.
Paris. C’est peu dire de Lionel Sabatté (né en 1975) qu’il est un artiste de la recherche et de l’expérimentation des matières, principalement les sans-grades, les laissées-pour-compte, les abandonnées. À commencer, dès ses débuts il y a vingt-cinq ans, par la poussière, les poussières. Celles avec lesquelles il dessine des portraits ou celles, agglomérées en moutons, qu’il installe alors sur des structures métalliques pour sculpter des loups, à l’exemple d’un ensemble d’une dizaine de bêtes, La Meute, récemment présentée dans l’importante exposition que lui a consacré le domaine national de Chambord. La poussière, devenue sa matière-identité comme on parle de plat-signature pour un chef étoilé, qui peut être aussi bien celle du métro parisien, que de son atelier, ou des couloirs du château précité.
Sabatté pratique aussi la peinture à l’huile, il sait également jouer avec les oxydations qui détruisent et recomposent en même temps des plaques de métal. Il aime aussi conjuguer fer à béton, ciment et fibres végétales pour certaines sculptures, pour d’autres œuvres il travaille avec des ongles et des peaux mortes de pieds. On découvre un certain nombre de ces rognures, disposées tel un pied de nez avec minutie, poésie et humour sur une branche de hêtre, comme des bourgeons printaniers, dès l’entrée de cette deuxième exposition à la galerie Ceysson & Bénétière de Paris (et la quatrième chez le même marchand, avec celles à Luxembourg en 2019 et à New York en 2021).
C’est de nouveau la poussière, traitée de manière inédite, qui est à l’origine de cette nouvelle série d’une quinzaine d’œuvres, intitulée « Poussières des cimes ». Pour les réaliser, l’artiste a mis au point une technique complexe, la « poussiérographie », grâce à laquelle une image photographique se révèle par la poussière. Lionel Sabatté a ainsi pris des photos de forêts qu’il a recouvertes d’une encre transparente et sérigraphiées sur toile. Il a alors projeté ses poussières qui, selon les endroits, vont occulter ou au contraire révéler des bribes de sous-bois en laissant passer des rais de lumière. L’effet est d’autant plus saisissant que, comme dans toutes les œuvres de Sabatté, le travail de la matière est non seulement revendiqué et mis en avant mais surtout pris en compte pour sa capacité à évoquer les thématiques de la peau, du voile, de la lumière, de la membrane, de l’écorce et de l’écorché ainsi qu’à générer de belles séquences émotionnelles, expressives, poétiques, sensibles.
Entre 9 000 euros pour les plus petits formats et 35 000 euros (et des poussières…) pour le plus grand, les prix des œuvres sont corrects, solides et montent régulièrement de façon logique en regard de la fidélité de nombreux collectionneurs privés et d’une reconnaissance par les institutions, comme en témoignent son exposition l’été dernier à Chambord ou actuellement (et jusqu’au 29 octobre) sa présence dans la Saison d’art au domaine de Chaumont-sur-Loire.
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Lionel Sabatté, la revanche de la poussière
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Abonnez-vous dès 1 €Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°617 du 22 septembre 2023, avec le titre suivant : Lionel Sabatté, la revanche de la poussière