Justice

Koons au Centre Pompidou, un bien mauvais deal

Par Alexis Fournol (Avocat à la cour) · lejournaldesarts.fr

Le 13 mars 2017 - 480 mots

PARIS

PARIS [13.03.17] - Outre la condamnation pour contrefaçon, la décision du TGI confirme que le Centre Pompidou n’a pas gagné d’argent sur l’exposition malgré un nombre important de visiteurs.

Vue de la rétrospective Jeff Koons au Centre Pompidou, à gauche la pièce <em>Fait d'hiver</em> qui elle aussi a été retirée de l'exposition suite à un litige avec le publicitaire d'une campagne Naf Naf - Photo Ludovic Sanejouand
Vue de la rétrospective Jeff Koons au Centre Pompidou, à gauche la pièce Fait d'hiver qui elle aussi a été retirée de l'exposition suite à un litige avec le publicitaire d'une campagne Naf Naf
© Photo Ludovic Sanejouand pour LeJournaldesArts.fr

Exposition d’un artiste vivant la plus fréquentée de toute l’histoire du Centre Pompidou, avec 650 045 visiteurs, la rétrospective offerte au plasticien américain aurait pu constituer une manne financière importante pour le musée. Il n’en a rien été. Selon le jugement du tribunal de grande instance de Paris du 9 mars dernier, rendu à l’occasion de l’action en contrefaçon menée par les ayants droit de Jean-François Bauret, « l’exposition n’a pas dégagé de bénéfices pour le Centre ». Seule la vente des exemplaires de trois ouvrages édités par le Centre Pompidou a pu permettre d’engranger 60 059 euros de bénéfices.

Le tribunal rappelle pourtant dans sa décision que l’exposition avait généré 2,6 millions d’euros de recettes de billetterie et 320 000 euros de recettes pour la vente des ouvrages de l’exposition. Mais, en contrepartie de l’accueil de l’exposition, le Centre a dû débourser 1,25 million d’euros au Whitney Museum, sans que les termes de cet accord ne soient ici révélés. La moitié des recettes tirées de l’exposition a donc été consacrée à assurer un tel accord.

Au-delà de l’aspect financier, la décision révèle sans conteste le caractère « clé en main » de l’exposition, la société de l’artiste ne laissant au musée aucun choix dans le contenu du catalogue ou de l’exposition. Les arguments exposés par le Centre à l’occasion du litige s’en font l’écho. Ainsi, le musée, afin de voir sa responsabilité limitée, a fait valoir pour sa défense « qu’il a agi dans le cadre de relations contractuelles particulièrement contraignantes avec la société Jeff Koons sous l’influence directe de l’artiste américain et que s’il avait été averti par l’artiste ou le studio que l’œuvre Naked était potentiellement litigieuse, il aurait agi différemment ».

Cette réalité est confortée par l’analyse du tribunal qui relève qu’il « ressort des pièces produites que le musée n’a pas négocié les conditions encadrant l’exposition itinérante et que c’est la société Jeff Koons qui a insisté pour que l’œuvre Naked fasse partie des œuvres sélectionnées reproduites dans les catalogues de l’exposition sans prévenir le Centre Pompidou du risque de revendication ». La société de l’artiste ayant même refusé – fait exceptionnel – d’accorder sa garantie au musée pour les besoins de l’exposition.

La comparaison des deux catalogues d’exposition édités par le Whitney Museum et le Centre Pompidou permet de s’en convaincre pleinement. Hormis l’ajout d’un avant-propos signé par Alain Seban, alors Président du Centre, et d’un texte signé par Bernard Blistène, commissaire de l’exposition et directeur du Musée national d’art moderne, les éditions sont identiques. Informé la veille de l’ouverture de l’exposition au public de l’existence d’une procédure, le musée avait été contraint de commander dans l’urgence un nouveau tirage des ouvrages sans l’image litigieuse.

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