Justice

La condamnation de Jeff Koons confirmée en appel

Par Éléonore Marcilhac, avocate à la cour · lejournaldesarts.fr

Le 24 décembre 2019 - 759 mots

PARIS

Pour la cour d’appel, Naked de l’artiste américain contrefait une photographie de Jean-François Bauret

Jean-François Bauret (1932-2014), <em>Enfants (1975)</em>, photographie - Jeff Koons, <em>Naked</em> (1988), porcelaine, 115,6 x 68,6 x 68,6 cm, édition de 3 EA
Jean-François Bauret (1932-2014), Enfants (1975), photographie - Jeff Koons, Naked (1988), porcelaine, 115,6 x 68,6 x 68,6 cm, édition de 3 EA
© Jean-François Bauret © Jeff Koons

Le 17 décembre dernier, la cour d’appel de Paris a confirmé la condamnation en contrefaçon de la société Jeff Koons LLC et du Centre Pompidou face aux ayants-droits du photographe Jean-François Bauret.

A l’origine de cette affaire, la sculpture en porcelaine dénommée Naked de la série « Banality » réalisée par Jeff Koons en 1988, haute de plus d’un mètre, reproduite en quatre exemplaires et représentant un jeune garçon et une jeune fille, nus, se tenant par l’épaule, le garçon offrant un bouquet de fleur à la petite fille. 

Découvrant que cette sculpture, qui n’avait jamais été exposée en France auparavant, devait être présentée à Beaubourg dans le cadre d’une rétrospective itinérante sur Jeff Koons, les héritiers du photographe Jean-François Bauret, décédé en 2014, ont estimé qu’il s’agissait d’une œuvre contrefaisante de la photographie en noir et blanc Enfants prise en 1970 par ce dernier et diffusée en 1975 sous forme de cartes postales.

Retirée in extremis de la rétrospective par le musée pour cause « d’endommagement lors de son transport », la reproduction de la sculpture subsistait toutefois sur tous les supports de l’exposition ainsi que sur le site internet de Jeff Koons, ce qui entraina la délivrance en janvier 2015 d’une assignation en contrefaçon des droits d’auteur, les héritiers souhaitant obtenir réparation de leurs préjudices.

Or pour les défendeurs, outre l’existence de « différences majeures » entre la sculpture et la photographie révélant l’empreinte de Jeff Koons, la liberté d’expression artistique et par la même l’exception de parodie ne pouvaient que s’opposer à la contrefaçon qui leur était reprochée.

Le 9 mars 2017 faisant fi de ces arguments, le tribunal de grande instance de Paris - qui déclara toutefois irrecevable les demandes formées à l’encontre de l’artiste à titre personnel - condamna in solidum la société Jeff Koons LLC et le Centre Pompidou à verser 20 000 euros aux ayants droits en réparation de leurs préjudices moraux et patrimoniaux, et condamna la seule société au versement de 4 000 euros pour la reproduction de l’œuvre contrefaisante sur son site internet, outre, le versement de 20 000 euros in solidum au titre de l’article 700 du code de procédure civile.

En effet selon le tribunal, les « différences contrairement à ce que soutiennent les défendeurs ne conjurent pas les ressemblances pour exclure la contrefaçon de l’œuvre dès lors qu’elles n’empêchent pas de reconnaitre et d’identifier les modèles et la pose choisis par le photographe qui sont des éléments protégés de la photographie »

Chacune des parties ont fait appel de ce jugement. Les uns remettant en cause notamment le principe de la condamnation afin de revendiquer la primeur de la liberté d’expression artistique sur le droit d’auteur ; les autres sollicitant notamment la recevabilité de l’action engagée à l’encontre de Jeff Koons ainsi qu’une revue à la hausse du montant des condamnations prononcées.

La cour d’appel de Paris a cependant confirmé le jugement en toutes ses dispositions aussi bien sur l’irrecevabilité de l’action à l’encontre de Jeff Koons, à titre personnel ; que sur le principe et le quantum des condamnation prononcées à l’encontre de sa société ou sur les mesures d’interdictions de diffusion de l’œuvre ; sauf pour le Centre Pompidou qui voit sa condamnation in solidum avec la société Jeff Koons LLC ramenée à 10% du montant des condamnations prononcées en 1ère instance, outre le versement par les succombants de 10 000 euros au titre de l’article 700 et aux dépens.

En effet, même si en tant que professionnel, le Centre Pompidou « se devait de prendre toutes précautions utiles et a participé à la contrefaçon en distribuant les publications en cause », sa responsabilité était moindre que celle de la société de Koons car informé tardivement, il avait fait réaliser « un nouveau tirage des portfolio et album, dénués de la représentation de la sculpture ».

Quant à l’appropriation artistique, la cour a précisé qu’il appartenait au juge de rechercher un juste équilibre entre la liberté d’expression artistique et le droit d’auteur, et qu’en l’espèce « il n’était pas établi que l’utilisation sans autorisation de la photographie de [Jean-François Bauret], qui porte atteinte à ses droits et à ceux de ses ayants droits, par [Jeff Koons]  était nécessaire à l’exercice de sa liberté d’expression artistique, y compris dans sa dimension de réflexion d’ordre social, et justifie l’appropriation ainsi faite d’une œuvre protégée ».

En somme pour la Cour, « la recherche d’un juste équilibre entre la liberté d’expression de HB et le droit d’auteur de Y-LX dévolu à ses ayants droits commande que, les faits étant établis, la contrefaçon soit retenue ».

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